
Sol vivant et productivité : comment l'agroforesterie peut révolutionner nos potager ?
Quand les arbres peuvent devenir les meilleurs alliés du potager...
Sommaire
Face au défi, plus prégnant d’année en année, des changements climatiques et de la perte de la biodiversité, les jardiniers amateurs changent leur manière de jardiner, s’inspirant souvent de ce qui se passe dans la nature. Et remettent souvent en cause des techniques oubliés jusqu’à présent ou des habitudes, comme le fait de planter des arbres au potager. En effet, l’agroforesterie se révèle être une voie d’avenir, même au potager. Derrière ce terme, une idée simple : réintégrer l’arbre dans l’espace de culture pour qu’il travaille en synergie avec les légumes, les petits fruits et la vigne. Loin d’être un concurrent, l’arbre devient un pilier essentiel pour créer un véritable sol vivant, résilient et naturellement fertile.
Découvrons en quoi l’agroforesterie peut faire de votre potager un écosystème nourricier et durable.
L'agroforesterie, un concept ancestral, remis au goût du jour
Les plus anciens jardiniers se souviennent peut-être d’un temps où les arbres poussaient librement entre les parcelles agricoles et les pâturages, où les haies bocagères délimitaient les parcelles, où le blé poussait entre les oliviers et la vigne… Et puis, dans les années 1960, l’essor de l’agriculture mécanisée et intensive a bouleversé les paysages. Les agriculteurs étaient incités à arracher les arbres et les haies pour faciliter les passages des engins agricoles et développer les monocultures. L’arbre champêtre était devenu un concurrent direct des cultures… Avec les incidences sur le sol et la biodiversité que l’on connaît aujourd’hui.
Qu’est-ce que l’agroforesterie ?
Sauf que, depuis quelques années, on assiste à un retour à certaines méthodes ancestrales, oubliées et rejetées au profit de la rentabilité et de la productivité. L’agroforesterie est une de ces pratiques revenue en grâce aujourd’hui. Comment définir l’agroforesterie ? Tout simplement comme un système d’utilisation des terres qui associe des espèces ligneuses parmi les arbres et les arbustes de haies, des cultures agricoles ou potagères et de l’élevage sur une même parcelle. Si l’agroforesterie se décline dans le milieu agricole, elle peut aussi s’appliquer au niveau d’un potager.
À l’échelle d’un potager ou d’un petit jardin, on parle souvent de jardin-forêt ou de verger-maraîcher. Mais le principe reste le même : créer un espace où les racines, les troncs et les canopées interagissent positivement avec les cultures basses des légumes, des herbes aromatiques et des petits fruits.

À l’échelle d’un potager ou d’un petit jardin, on parle souvent de jardin-forêt ou de verger-maraîcher
Quels sont les piliers d’un sol vivant ?
L’agroforesterie permet de créer un sol vivant, un concept qui repose sur trois principes fondamentaux, mais qu’il est toujours utile de rappeler :
- Un sol vivant est un sol qui n’est pas travaillé en profondeur, pas labouré ou bêché pour préserver les micro-organismes (champignons et bactéries) et la microfaune (vers de terre et insectes) qui y évoluent.
- Un sol vivant est un sol qui n’est jamais nu pour le protéger de l’érosion et du dessèchement et le nourrir en matières organiques.
- Un sol vivant est un écosystème complexe et résilient où les cultures sont diversifiées.
Lire aussi
7 arbustes incontournables en forêt jardinLe rôle essentiel des arbres pour le maintien d'un sol vivant au potager
Dans un contexte de réchauffement climatique, par leur présence, les arbres contribuent à maintenir un sol vivant. Loin d’être des concurrents, ce sont des alliés qui apportent plus de bénéfices que d’inconvénients.
Le rôle de l’arbre dans la gestion de l’eau
Avec les sécheresses récurrentes, la gestion de l’eau est devenue le défi majeur du jardinier. L’arbre peut être un allié hydrologique exceptionnel, car son système racinaire est essentiel pour le sol :
- Les racines de l’arbre explorent les couches profondes du sol, créant des fissures qui améliorent l’infiltration de l’eau. Contrairement aux sols labourés qui se compactent, le sol sous les arbres reste aéré et perméable. L’eau des pluies s’y infiltre mieux au lieu de ruisseler et de provoquer l’érosion.
- Certaines racines profondes peuvent capter l’eau de la nappe phréatique ou des couches humides, la redistribuer vers les couches supérieures par un phénomène appelé remontée capillaire, la rendant disponible pour les cultures du potager pendant les périodes sèches.
- Le réseau racinaire tisse une maille de protection qui retient le sol contre les forces de l’eau. Dans un potager en pente, une ligne d’arbres ou une haie peut faire disparaître les problèmes d’érosion, ou au moins les atténuer.
L’arbre pour un microclimat protecteur
Avec les épisodes de canicule qui se renouvellent chaque année, les potagers souffrent. La canopée d’un arbre modifie les conditions de culture pour les plantes potagères situées en dessous ou à proximité :
- L’ombrage partiel fourni par les arbres protège les cultures du soleil direct et réduit la température au niveau du sol. Cela diminue fortement la perte d’eau des légumes par les feuilles et le sol, c’est-à-dire l’évapotranspiration, limitant ainsi leurs besoins en irrigation.
- Les haies et les alignements d’arbres agissent comme des brise-vent. En ralentissant le vent, ils limitent le dessèchement des cultures.
- En cas de fortes intempéries, ils offrent également une protection physique aux plants fragiles comme les tomates, les haricots… et en cas de fortes chaleurs, de l’ombre pour d’autres légumes comme les salades, les radis, les épinards…

Les arbres sont sources de biodiversité
Les arbres utiles à la fertilité du sol
L’arbre travaille indirectement à enrichir le substrat et à nourrir la vie souterraine :
- Il produit de la matière organique, riche en carbone, à travers ses feuilles, ses rameaux ou son bois mort. La décomposition de cette matière organique, riche en carbone et en lignine, par les organismes du sol, conduit à la formation d’humus stable. C’est cet humus qui donne au sol sa couleur foncée, améliore sa capacité de rétention d’eau et de nutriments, et le rend grumeleux et facile à travailler.
- Il fertilise le sol en surface : les feuilles tombées constituent un excellent paillage naturel et gratuit, qui protège le sol, maintient l’humidité et se transforme lentement en engrais de surface.
- Il fait remonter les nutriments : ses racines profondes vont chercher des minéraux lessivés ou des éléments nutritifs inaccessibles, comme le phosphore ou le potassium, dans les couches inférieures du sol. En chutant et se décomposant en surface, les feuilles et brindilles remontent ces nutriments et les redistribuent pour les cultures du potager.
- Il peut fixer l’azote : certains arbres de la famille des fabacées, comme l’Albizia travaillent en symbiose avec des bactéries appelées rhizobiums. Ces bactéries captent l’azote atmosphérique et la restituent à la plante, un processus appelé fixation biologique de l’azote. L’azote excédentaire est ensuite libéré dans le sol, agissant comme un engrais naturel pour les légumes voisins
- Les racines des arbres sont souvent associées à des champignons mycorhiziens qui forment un vaste réseau souterrain. Ce réseau s’étend bien au-delà des racines de l’arbre et se connecte également aux racines des légumes. Ce réseau mycorhizien facilite l’échange d’eau et de minéraux entre l’arbre et les cultures potagères.
Les arbres, vecteurs de biodiversité
Un potager réussi est un lieu où la biodiversité est bien présente. Les arbres sont indispensables pour accueillir et protéger les auxiliaires du jardinier. Ils offrent le gîte et le couvert à la faune utile.
En effet, les arbres et les arbustes des haies offrent des habitats, des zones de refuge et de reproduction pour une multitude d’organismes auxiliaires qui régulent naturellement les ravageurs. Ainsi, les oiseaux nichent dans la canopée et sont de grands consommateurs d’insectes, contrôlant ainsi les populations de limaces, de pucerons, ou de larves nuisibles.
De même, les fleurs des arbres fruitiers et des haies (tilleul, aubépine, noisetier, sureau…) sont une source de nourriture pour les abeilles et autres pollinisateurs. Le bois mort et l’écorce sont l’abri idéal pour les coccinelles, les syrphes et les chrysopes, de redoutables prédateurs de pucerons et d’acariens.
Le rôle des arbres en eux-mêmes
En agroforesterie, l’arbre en lui-même joue un rôle de service :
- Il fournit de la biomasse : Les résidus de taille (comme le Bois Raméal Fragmenté ou BRF) sont une matière première précieuse pour fertiliser et structurer le sol du potager. Le BRF est particulièrement efficace pour relancer l’activité fongique et bactérienne du sol.
- Il est source de production : les arbres produisent des fruits, des noix, des baies, éventuellement du bois de chauffage. Ils offrent une diversification des récoltes.
Comment intégrer des arbres dans un potager ?
L’agroforesterie au jardin ne nécessite pas de grands espaces. Elle demande surtout une bonne conception et le choix d’espèces adaptées. Quelques conseils simples pour commencer :
- Plantez les arbres en alignement nord-sud si possible, pour que l’ombre portée se déplace au fil de la journée et ne pénalise pas trop les cultures.
- Laissez une distance suffisante entre les lignes d’arbres et le potager pour permettre un ensoleillement adapté. Pour les petits jardins, privilégiez les haies vives ou les arbustes fruitiers plus petits.
- Optez pour des arbres et arbustes qui se montrent utiles comme fixateurs d’azote tels que l’acacia jaune (Caragana arborescens), le févier d’Amérique (Gleditsia triacanthos), le baguenaudier (Colutea arboerescens), le robinier faux-acacia (Robinia pseudoacacia) de la famille des fabacées. Certains arbustes et arbres du genre Eleagnus comme l’argousier (Hippophae), l‘olivier de Bohême (Eleagnus angustifolia), le goumi du Japon (Eleagnus multiflora), le chalef d’automne (Eleagnus umbellata) fixent aussi l’azote tout en fournissant des baies. Sans oublier l’aulne blanc (Alnus incana), et l’aulne de Corse (Alnus cordata).
- Choisissez des arbres qui produisent de la biomasse ou des fruits.

Le fèvier d’Amérique, l’acacia jaune, le baguenaudier et le robinier faux-acacia fixent l’azote atmosphérique
- Taillez régulièrement les branches basses des arbres et arbustes pour réguler l’ombre et libérer de l’espace pour les cultures légumières.
- Maintenez une couche de paillage épaisse autour des arbres et des cultures pour conserver l’humidité et réduire la concurrence pour l’eau et les nutriments.
- Abonnez-vous
- Sommaire

Commentaires