On l'oublie souvent mais toutes les plantes cultivées ont une origine de nature, de la plante sauvage introduite se naturalisant dans tout le jardin à l'hybride extravagant acheté auprès de son pépiniériste préféré, toutes ont, ou ont eu des parents provenant de milieux sauvages. Les rosiers, pivoines et autres pommiers qui constituent les paysages de nos jardins sont à proprement parlé des plantes exotiques, jadis importées d'Asie centrale, d'Inde, de Chine ou du Japon. Il faut dire que ces plantes facilement acclimatables vivent dans les mêmes conditions climatiques que nos plantes indigènes, voilà pourquoi des pays comme la Chine et le Japon entre autre, sont des endroits de prédilection pour bon nombre de botanistes et horticulteurs, cherchant de nouvelles espèces potentiellement acclimatables sous nos latitudes.

20140531_093141

Falaises habillées de rhododendrons, surplombant les gorges du Mont Omei.

 

Depuis maintenant 12 ans j'ai l'habitude de me rendre en Chine, dans les provinces du Yunnan et du Sichuan, considérés par les scientifiques comme étant le berceau de la diversité des végétaux tempérés, pour y observer les espèces végétales de moyenne montagne. Le printemps et l'automne sont les deux meilleures saisons pour voyager dans ces provinces, les températures sont douces, les végétaux bien développés, et la mousson absente.  En mai 2014 je me suis rendu dans la province du Sichuan accompagné d'un ami botaniste, afin d'y retrouver les espèces végétales que j'avais pu admirer lors d'un de mes précédents voyages et pouvoir en découvrir, je l'espère, de nouvelles que je ne connais pas, en voici le résumé:

Arrivés, à l'aéroport de Chengdu (capitale du Sichuan), nous quittons rapidement cette ville surpeuplée pour nous rendre plus au sud, dans la ville de Leshan au pied de l'une des 4 montagnes sacrées de Chine, le mont Omei (Emei-shan). Hormis le fait que cette montagne soit un haut lieu de pèlerinage pour de nombreux touristes chinois, elle a la particularité d'abriter de nombreuses espèces végétales, certaines d'ailleurs sont endémiques de ce massif montagneux.

Après un court trajet en bus, en pousse-pousse puis en taxi, nous arrivons à Baoguo en fin d'après midi, et posons nos bagages dans un petit hôtel local pour commencer à arpenter les abords de route. A cette altitude (environ 800m) le climat est subtropical, la quasi-totalité des plantes qui poussent au pied de la montagne sont gélives et témoignent d'un climat chaud et humide, il est très fréquent de voir au bord des routes des bananiers sauvages, bambous géants et de nombreuses culture de Taro (Colocasia esculenta).

Debregeasia longifolia

Maison traditionnelle bordée de bambous et de bananiers, souvent envahit de Debregeasia longifolia, une vivace arbustive appartenant à la famille des orties.

Pour nous détendre les jambes après ce long voyage, nous marchons un peu et quittons la ville pour visiter quelques temples bouddhistes et observer les végétaux qui poussent aux abords de la forêt. Nous rencontrons de nombreuses plantes sauvages, notamment des Zingiber sp, Tupistra spAspidistra sp, Arisaema heterophyllum, Bambusa sp et remarquons un très beau sujet de Dichroa discolor en fleurs! Près du temple un Mussaenda glabra retient notre attention, cette jolie rubiacée, appelée "main de Bouddha", forme à l'instar des schizophragmas, des inflorescences dotées de bractées blanches.

Tupistra sp

Tupistra sp

Aspidistra sp

Aspidistra sp

Dichroa discolor

Dichroa discolor, un proche cousin des hortensias

Mussaenda glabra

Mussaenda glabra, planté près d'un temple.

Le lendemain nous partons pour le mont omei, cette montagne culmine à plus de 3000m de hauteur, à cette altitude les températures sont à peu près les mêmes que celles de nos régions tempérées en France, il fait moyennement chaud en été comme en hiver, il neige chaque année au sommet et les températures peuvent chuter jusqu'à -10C°, raison pour laquelle il est intéressant de pouvoir observer et recenser les végétaux qui y poussent.

Paysage du Mont Omei

Accrochés à l'horizontale sur les falaises abruptes, les Rhododendrons  en fleurs subliment le paysage.

 

Il est encore tôt et une navette nous amène au dernier parking à 2700m d'altitude, nous posons nos bagages dans un petit hôtel local et resteront sur place 3  jours. Impatients, nous nous mettons aussitôt en route et commençons à arpenter le sentier qui sillonne la montagne.  Nous commençons notre ascension et je reconnais tout de suite les touffes de Dicentra macrantha qui poussent sur les pentes humifères et qui m'avaient tant impressionné lors de ma visite en 2005. Cette vivace, que j'ai dans le jardin depuis plus de 15 ans, se révèle être bien plus spectaculaire ici dans son milieu d'origine où elle forme de grandes touffes buissonnantes de 1m de haut, elle se caractérise par de grandes fleurs tubulaires jaune ocre. Dicentra macratha Dicentra macrantha

Notre progression est lente mais minutieuse, nous rencontrons sur les abords, une autre plante mythique du Mont Omei, l'Arisaema wilsonii, tant exceptionnel par la taille du feuillage que par les fleurs souvent noires, striées de blanc, parfois vertes ou même blanches. Cette bulbeuse peuple la montagne de bas en haut, on trouvera un très bel exemplaire au sommet. Comme un grand nombre de plantes sauvages, cette espèce présente de nombreuses variantes de forme et de couleur comme le montre les photos ci dessous:

Arisaema wilsonii Arisaema wilsonii (7) Arisaema wilsonii (6) Arisaema wilsonii (5) Arisaema wilsonii (4) 20140530_152429

Plantes assez fréquentes en Chine, les arisaemas appartiennent à la même famille que notre Arum des jardins, ils se distinguent par leurs fleurs en cornet, appelées  "spathe", qui servent à protéger les organes sexuels, portés sur le spadice. Cette plante est fascinante par son mode de reproduction atypique;  selon les espèces, les fleurs,  pollinisées par les mouches, moucherons et fourmilles, sont hermaphrodites (mâle et femelle) ou dioïques (soit mâle soit femelle), et chez les espèces dioïques, certains individus mâle peuvent changer de sexe spontanément pour devenir femelle, ce phénomène étrange reste encore inexpliqué. Deux autres espèces peuplent la montagne, l'Arisaema lobatum et le tout petit Arisaema omeiensis qui dépasse à peine 15cmde hauteur et qui cette année n'était pas encore en fleurs.

Arisaema lobatum

Arisaema lobatum

Arisaema omeiensis

Arisaema omeiensis

 

Fin de la première partie.