Avez-vous entendu parler des plathelminthes ? En effet, ces vers plats commencent à préoccuper sérieusement la communauté scientifique, mais aussi celle des jardiniers. Pourquoi ? Parce que plusieurs espèces de Plathelminthes ont envahi la France depuis près de 20 ans. Outre leur aspect répugnant, ces espèces invasives terrestres sont des prédateurs de vers de terre, d'escargots, de cloportes... Particulièrement invasifs, il n'existe pas aujourd'hui de solution pour les éradiquer, ils sont donc une véritable menace pour la biodiversité des sols.
Quelle menace, quels risques ?
Les plathelminthes sont des vers principalement parasites, tous considérés comme des espèces envahissantes, notamment le Plathelminthe de Nouvelle-Guinée (Platydemus manokwari), qui figure dans la liste des 100 espèces exotiques envahissantes les plus néfastes au monde. Cette liste ne retient qu’une seule espèce par genre, il n'y a donc qu'une seule espèce de vers plat. Mais, tous les plathelminthes invasifs terrestres sont considérés comme des dangers pour les espèces endémiques (escargots, vers de terre, etc.) et donc néfaste pour l’équilibre des écosystèmes et la fertilité de nos sols.
Dans le cas où vous ne le sauriez pas encore, sachez que le lombric joue un rôle majeur dans les écosystèmes du sol, il se nourrit des déchets organiques végétaux et produit de l'humus, augmentant ainsi la fertilité de la terre. Par ailleurs, en formant des galeries, il favorise le drainage, l'aération du sol et participe ainsi à améliorer la distribution de l'azote aérien aux racines des plantes. C'est assez simple : sans vers de terre, il n'y a pas de terre cultivable. Cette menace des vers prédateurs est donc à prendre très au sérieux. D'autant plus que les espèces de lombrics de nos régions sont impuissants face à ces vers carnivores : moins gros, moins rapides, ils ne peuvent pas lutter !
D'où viennent les vers plats ?
Les vers plats sont originaires des régions semi-tropicales, ils viennent d'Amérique du Sud, de nouvelle Guinée, d'Australie.
Les premières espèces de plathelminthes sont arrivées il y a une vingtaine d’années en France et sont passées d’un continent à un autre via le transport de plantes. Une fois sur le territoire, les vers plats se disséminent par l’achat de plantes de pépinières, l’échange de plantes entre jardiniers, les jardins botaniques.
Quels sont les plathelminthes ?
Actuellement, on comptabilise une dizaine d'espèces de Plathelminthes terrestres qui ont été repérées en France métropolitaine. Et la liste ne fait que s'allonger. D'une manière générale, ces vers sont plats, lisses et gluants, plus ou moins longs selon les espèces. Certains sont présents dans de nombreux départements, d'autres n'ont été vus que très rarement. Les principales espèces que vous risquez de rencontrer dans votre jardin sont les suivantes :
1) Obama nungara
Obama nungara (qui signifie "plat comme une feuille" en Amérindien) est un vers plat marron venant du Brésil. C'est l’espèce la plus présente en France : sa présence été signalée dans 72 départements en 2021 (soit les trois quarts de notre territoire), notamment tous les départements de la façade atlantique (il est très présent en région Pays de la Loire) et méditerranéenne. Il se nourrit de vers de terre et se reproduit de façon sexuée avec des cocons de ponte.
2) Parakontikia ventrolineata
Parakontikia ventrolineata est plus petit que les autres espèces. Il mesure de 1 à 5 cm de long, il est noir avec des lignes plus claires. Présent dans 14 départements en 2015, il est particulièrement présent en Bretagne et dans le sud du pays. Son régime alimentaire est surtout nécrophage, on le retrouve également dans des fruits abimés (fraises, pommes) où il se cache, sans les consommer.
3) Diversibipalium multilineanum
Bipalium kewense et Diversibipalium multilineanum, sont des plathelminthes longs de 10 à 50 cm. Leur particularité réside dans leurs têtes en forme de marteau. Assez effrayants, ils se reproduisent en détachant une partie de l’arrière de leur corps, qui donne alors un nouvel individu ! Ils se nourrissent de vers de terre et d'autres espèces. On notait leur présence dans 12 départements en 2015, essentiellement dans le sud de la France, en particulier Pyrénées-Atlantiques.
4) L'espèce rayée jaune
L’espèce « rayée jaune », n'a pas encore été baptisée par les scientifiques. Elle mesure de 5 à 12 cm. De forme allongée, ce vers porte une bande jaune sur le dos. Il se reproduit en séparant son corps en plusieurs morceaux. Il a été vu dans 21 départements de la métropole en 2015.
5) Caenoplana coerulea
Caenoplana coerulea est un vers plat originaire d’Australie, il mesure de 5 à 10 cm, a le dos noir et le ventre bleu. Il n'était présent que dans 6 départements en 2015, principalement dans le Midi, et en Bretagne. Depuis, il a été observé en Loire-Atlantique, en Charente-Maritime, en Haute-Garonne ainsi que dans les Pyrénées-Orientales.
Ces deux autres vers sont plus rares :
- Australoplana sanguinea alba
Australoplana sanguinea alba, originaire d’Australie, est un vers plat rose ou orange. Il n'a été repéré une fois dans les Pyrénées orientales, puis n'a plus été observé.
- Platydemus manokwari
Platydemus manokwari, le plathelminthe de Nouvelle-Guinée. Il mesure environ 5 cm de long et 5 mm de large, le dos est d'une couleur brune avec une bande dorsale crème. Le ventre est plus clair. En France, il a été retrouvé uniquement dans les serres du jardin botanique de Caen, première détection en Europe. En 2021, il semble que l'espèce n'ait pas envahi la France métropolitaine, mais soit très présente en Guadeloupe, Martinique et dans les Antilles.
Assez opportuniste, les gastéropodes sont ses proies principales, il se nourrit aussi de lombrics, d'arthropodes, dans son milieu naturel, d'autres verts plats.
Les Dom-Tom ne sont évidemment pas épargnés par les vers plats, d'autres espèces non citées ci-dessus y sont présentes. Sont concernés la Guadeloupe, Marie-Galante, Martinique, Saint-Barthélémy, Guyane, Réunion et Mayotte.
6) Humbertium covidum
Originaire d'Asie, cette nouvelle espèce « noir métallique » a été observée en 2019, dans le département des Pyrénées-Atlantiques. Longue d'à peine 3 cm, elle possède une tête plus large, comme tous les vers plats à tête en forme de marteau. Sa couleur totalement noir métallique, évoque du « métal liquide ».
Que faire si je trouve un ou des plathelminthes dans mon jardin ?
Si vous trouvez l'un de ces vers au jardin, ne les touchez pas directement avec les doigts, ramassez-le avec précaution, prenez-les en photo puis et enfermez-le dans une boîte. Comparez ensuite les images avec celles des sites spécialisés. Vérifiez que vous êtes bien en présence d'un plathelminthe en
allant voir les photos en cliquant ici. Pour le moment, la seule approche envisagée consiste à un travail de collecte de données. Le Professeur Jean-Lou Justine, chercheur au CNRS, est une référence. Il explique sur son blog la marche à suivre si vous repérez un vers plat dans votre jardin. INPN Espèces, est la seule application en France qui vous permet également de découvrir, depuis votre mobile, la diversité des espèces présentes autour de vous et de participer à l'inventaire de la biodiversité de votre commune.
Pourquoi faut-il être vigilant ?
Sans tomber dans l'anxiogenisme, les plathelminthes sont bel et bien une nouvelle menace de la biodiversité, en particulier envers les lombrics, véritables piliers de la fertilité des sols. Néanmoins, gardons à l'esprit que l'homme reste le premier responsable de la disparition des vers de terre : l'usage des pesticides et, en agriculture, l'utilisation de techniques comme le disquage font de véritables massacres des lombrics et de leurs galeries.
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