Tôt le lendemain, nous repartons sur le sentier afin d'explorer la partie basse de la montagne, les températures sont idéales pour herboriser et la lumière pas trop forte pour photographier, une belle journée qui s'annonce. Nous remarquons une importante affluence sur le parking, de nombreux touristes sont déjà là pour gravir le "Golden Summit"et y admirer la vue du matin. Nous partons dans le sens inverse de la foule et nous retrouvons rapidement seules, le brouhaha est vite remplacé par le calme du sous-bois, quelques macaques jouent sur les flancs abruptes de la montagne et le chant des oiseaux remplace l'agitation du parking. Je suis subjugué par ce calme et cette luxuriance, cette nature sauvage et intacte, côtoyant le tourisme de masse, quel curieux paradoxe.

Sous-bois du Mont Omei

Nous pénétrons dans une forêt clairsemée d'Abies fabri, ce conifère majestueux est reconnaissable à sa silhouette graphique très élancée. Plus riche à cette altitude la végétation a la particularité de concentrer un mélange incroyable de plantes subtropicales et tempérées. C'est souvent le cas aux alentours de 2600m d'altitude,  les végétaux du bas atteignent leur limite de rusticité et ceux du haut, rencontrent une concurrence plus importante.  C'est là, disséminées dans les fourrées, que je retrouve la remarquable Salvia omeiana qui m'avait tout de suite séduite lors de ma première visite en 2005. Cette petite vivace est pour moi la quintessence de la plante ordinaire qui ne paie pas de mine, et qui cache des trésors de beauté à qui sait la regarder. Ses feuilles vertes incroyablement banales, cachent au revers des teintes pourprées, plus ou moins intenses selon les individus. C'est tout fait le genre de plante qui pourrait être utilisée dans nos jardins, en surélévation du muret ou d'une rocaille.

Salvia omeiana

Salvia omeiana

Salvia omeiana (2)

Une forme particulièrement colorée.

Plus loin, une autre plante de la même famille que notre sauge retient mon attention. Il s'agit d'un Isodon, dont les petites feuilles présentent la même coloration pourprées au revers, ne voyant aucune fleurs je n'arrive pas à mettre un nom d'espèce, il pourrait s'agir d'Isodon muliensis mais sans aucunes réelles certitudes.

Isodon sp (2)

Isodon sp

Isodon sp (1)

Moins spectaculaires mais tout aussi belles de nombreuses petites herbacées tapissent les banquettes de mousses, parmi lesquelles: Asteropyrum peltatum, Ypsilandra thibetica et une magnifique touffe de Chrysosplenium sp, à feuilles chocolat.

Asteropyrum peltatum

Asteropyrum peltatum

Ypsilandra thibetica

Ypsilandra thibetica

Chysosplenium sp

Chysosplenium sp

C'est en contre-bas d'un talus, dans une petite dépression, que j’aperçois une très belle colonie de plusieurs Maianthemum atropurpureum, dont certains individus portent des fleurs rose pâle. D'autres Maianthemum (débaptisés Smilacina) poussent sur le mont Omei, dont M. tatsienense avec ses fleurs brun-vert.

Maianthemum atropurpureum

Maianthemum atropurpureum

Maianthemum atropurpureum (2)

Maianthemum tatsienense

Maianthemum tatsienense

Un peu plus bas encore, au détour d'un chemin, je remarque une magnifique scène naturelle; un Pilea sp poussant en mélange, certains spécimens présentent des feuilles vert pomme, d'autres vert-argent et d'autres encore des feuilles vert-pourpré. Ce "mélange" n'est pas très rare chez les pileas, ces plantes molles, gorgées d'eau, sont incroyablement variables en couleur et en forme, ce sont des championnes de l'adaptation.

Pilea sp

Pilea sp, "en mélange"

Sur les parois rocheuses, suintantes d'humidité pousse une autre urticacée, l'Elatostema monandrum. Contrairement à nos orties, ces deux genres sont dépourvus de poils urticants, ils ne piquent donc pas! C'est tout à fait le genre de famille que l'on rencontre habituellement en zone subtropicale, il n'est pas rare de voir certaines espèces s'échapper de leur zone de confort et venir coloniser des endroits à priori moins cléments,  mais ayant l'avantage d'être moins peuplés que plus bas.

Elatostema monandrum

L'après midi est déjà bien entamée et nous rebroussons chemin pour regagner notre hôtel avec le sentiment qu'il faudrait rester plusieurs mois sur place pour avoir une idée un plus précise des merveilles qu'il reste à découvrir, c'est ce même sentiment qui me pousse à toujours revenir dans ces mêmes provinces. Sur le chemin retour nous pouvons admirer quelques beaux spécimens d'Helwingia japonica, dont les fleurs ont la particularité de s'épanouir sur le feuillage, elles laisseront place ensuite à un petit fruit noir très décoratif.

Helwingia japonica (1)

Helwingia japonica

Helwingia japonica (2)

Une fourmille attirée par le nectar des fleurs.

Nous terminons notre séjour sur la montagne sacrée par la découverte du Rhodea emeiense, une petite convallariacée à souche rampante portant des fleurs vertes, tapie sous le branchage épais des rhododendrons, très rare cette espèce n'est à ce jour pas introduite en culture dans nos jardins.

Rhodea emeiensis

Rhodea emeiensis

Nous arrivons à nouveau à notre hôtel de nuit et remarquons sur la route en contre-bas, un trafic incessant de véhicule déversant un nombre important de touristes. Il est temps pour nous de quitter la montagne sacrée et de partir plus au sud pour continuer notre itinéraire prévu et explorer les zones sauvages des montagnes Wawushan.

Le plan des lieux

Le sentier qui sillonne la montagne est interminable, il faut compter au minimum une semaine de marche (non-stop) pour parcourir l'intégralité du parcours, nous en avons parcouru à peine 5%, c'est dire l'immensité des lieux.