Alors tu jardines avec la lune ?

Je ne sais pas comment cela se passe pour vous, mais moi, dès que j’évoque le caractère « biologique » de mon jardin, c’est, en général, la première question qui m’est posée. Quand cela est possible, j’élude plus ou moins habilement. Mais souvent, acculée, je suis bien obligée de confesser que non, je ne jardine pas avec la lune.

Le mythe s’effondre : consternation. Pourquoi ne pas jardiner avec la lune ? C’est tellement facile, et efficace surtout !

Raison n° 1 - Je n’y comprends rien… du moins pas grand-chose.

Si les notions de lune ascendante, descendante, de pleine lune et de pas de lune du tout me sont familières, les histoires de conjonctions de planètes et l’astronomie, d’une façon générale, constituent pour moi une véritable nébuleuse. Je n’y comprends rien ou pas grand-chose, ce qui me rend encore plus réfractaire. Je veux bien être bête, mais pas disciplinée !

Raison n° 2 - Où sont les preuves scientifiques ?

Malgré les différentes expérimentations, rien ne semble encore avoir été prouvé : ni accroissement spectaculaire des récoltes, ni chute vertigineuse des maladies. Du moins pas formellement, ou les expériences n’étaient pas menées selon un protocole tout à fait réglo (non, je ne suis pas de mauvaise foi). Et puis, quelque part, un jardinier qui suit à la lettre le calendrier lunaire, c'est quand même un être d'exception, non ? Ne peut-on pas imaginer que s'il prend cette précaution, toutes ses pratiques de jardinage vont dans ce sens et, que, dans les faits, ce sont ses soins attentionnés qui contribuent à la santé et à la beauté de son jardin... et non la lune ?

Raison n° 3 - La lune est une enquiquineuse, une empêcheuse de jardiner en rond, un tyran lumineux !

Pour commencer, il faut la consulter avant d’entreprendre quoi que ce soit et donc, au préalable, retrouver le maudit calendrier ou faire une recherche sur internet : bonjour la spontanéité !

C’est elle qui décide du programme avec ses jours fleurs, feuilles, fruits et racines et, par-dessus le marché, elle me somme de vaquer à d’autres occupations les jours « NA » ou « ND » (nœuds ascendants ou descendants) à partir de 18 h 42 jusqu’au surlendemain, 15 h 37. Amis jardiniers, réglez vos montres ! Et comme par hasard, ces jours où le jardinage est interdit, ou presque, tombent toujours pile-poil lorsqu’il fait grand soleil et que la terre est juste parfaite.

En gros, Madame la Lune s’imagine, parce qu’elle est l’unique satellite naturel de la terre, pouvoir tout régenter. Ainsi, il faudrait que je cale ma vie familiale et professionnelle sur son agenda perso… Je bosse moi, et je le revendique haut et fort : je suis une jardinière du dimanche ! Et même si j’étais à la retraite, faudrait-il que je renonce à la sortie du club de marche nordique ? Que je laisse en carafe mes partenaires de bridge pour le prochain tournoi ? Que je renvoie mes petits-enfants dans leurs pénates parce que :

Non, désolée, le mercredi 12, impossible, c’est jour feuille et il y a les épinards à semer.

Sérieusement ? Elle m’agace.

Raison n° 4 - Jardiner avec sa terre, la météo et, surtout, avec plaisir : la véritable la clé du succès.

Je considère que, plutôt que de se fier aux astres, il est fondamental de jardiner avec sa terre, avec le soleil, avec la pluie. On ne fait jamais un bon travail en terre détrempée, ni même desséchée. Et dans l'absolu, que je préfère nettement semer/planter/désherber à la faveur d’une belle journée que sous la pluie et dans la gadoue. Et puis, l’important, au jardin, c’est le plaisir, non ? Enfin, n'oublions pas que le semis ou la plantation de certains légumes ne peuvent pas attendre indéfiniment :

Vous avez encore raté les jours racines pour cause de pluies diluviennes. Dommage. Revenez le mois prochain avec vos pommes de terre ! Signé : Madame la Lune.

Alors, pourquoi en faire tout un plat ? Et bien, il semble que mon cerveau ne soit pas à une contradiction près, ne pas me soumettre à la lune me donne quand même un petit sentiment de culpabilité. Après tout, ce serait peut-être mieux ? Les semis de carottes lèveraient plus rapidement, les fleurs seraient plus belles et plus nombreuses. Si cela se trouve, même les limaces seraient moins gourmandes et les outils s'useraient moins vite. Qui sait ? Si, dans 95 % des cas, je consulte le calendrier a posteriori (c’est ma façon de lui faire des pieds de nez), j'avoue, je m’attaque toujours aux ronciers et aux chardons les jours de lune descendante. C’est un peu comme avoir une patte de lapin dans sa poche ou toucher le pompon d’un marin, non ? Ça ne peut pas faire de mal !