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La myrmécochorie : quand les fourmis se font jardinières...

La myrmécochorie : quand les fourmis se font jardinières...

Découvrez un mode fascinant de dispersion des graines de certaines plantes par les fourmis

Sommaire

Créé cette semaine  par Pascale 4 min.

Dans la nature, chacun a un rôle : l’abeille butine et transporte le pollen d’une fleur à une autre, les oiseaux se nourrissent de graines et les dispersent plus loin via leurs déjections, le vent disperse les grains volatils de pollen ou les akènes de pissenlit. Sur et sous le sol de nos forêts et jardins, d’autres jouent un rôle tout aussi important. À savoir les discrètes, silencieuses et travailleuses fourmis qui disséminent elles aussi certaines graines. Contre rétribution il va sans dire ! En effet, entre les fourmis et certaines plantes s’établit une alliance vitale pour les deux parties, la myrmécochorie. 

Découvrez les tenants et les aboutissants de cette collaboration gagnant gagnant, baptisée myrmécochorie, où la plante “utilise” la fourmi pour assurer sa pérennité.

Difficulté

La myrmécochorie, c'est quoi exactement ?

Dérivé du grec myrmex (fourmi) et khorein (se déplacer), le terme “myrmécochorie” désigne la dispersion des graines par les fourmis. Loin d’être un simple accident de parcours, il s’agit d’une véritable collaboration biologique ! C’est même un des modes de dispersion des graines le plus sophistiqué qui soit.

Contrairement à la dispersion des graines par les oiseaux qui repose sur l’ingestion aléatoire de fruits charnus, la myrmécochorie est une forme de mutualisme, de collaboration. Un échange de services et bons procédés où chaque partenaire tire un bénéfice. Du donnant-donnant, du gagnant-gagnant qui profite aux deux parties.

Myrmécochorie : rôle des fourmis

Souvent discrète, la fourmi joue un rôle essentiel dans la dispersion de certaines graines.

Et ce mécanisme repose sur une subtile manipulation chimique de la plante au profit de la fourmi qui déplace la graine horizontalement et verticalement. C’est cette double action qui fait de la fourmi un agent de dispersion très efficace.

L'élaïosome, la récompense suprême

La fourmi déplace donc une graine horizontalement sur le sol, avant de l’enfouir. Mais, me direz-vous, pourquoi une fourmi s’épuiserait-elle à transporter une graine parfois deux ou trois fois plus lourde qu’elle ? La réponse tient en un mot : l’élaïosome.

L’élaïosome, un mets de choix

L’élaïosome est une petite excroissance charnue et huileuse, souvent blanchâtre ou transparente, fixée à la graine. Riche en lipides, en protéines et en vitamines, il ne joue aucun rôle dans la germination de la plante. Sa seule fonction est d’être un appât de choix pour les fourmis. Mais la plante ne se contente pas d’offrir une récompense alimentaire aux fourmis ; elle leur “signale” la présence de la graine en imitant, via la composition de l’élaïosome qui imite les acides oléiques que l’on retrouve chez les insectes morts. Pour la fourmi, cette graine devient un mets de choix, pour elle ou les larves. Un véritable concentré d’énergie totalement irrésistible.

myrmécochorie graines

L’élaïosome d’une graine

Le processus du transport

Lorsqu’une fourmi ouvrière découvre une graine pourvue d’un élaïosome, elle la saisit avec ses mandibules et la ramène avec empressement à la fourmilière, parcourant des centaines de centimètres, voire des dizaines de mètres. Non sans embûches ! Une fois à l’intérieur, l’élaïosome est consommé par les larves ou les ouvrières. La graine elle-même, protégée par un tégument dur et lisse, et qui n’intéresse pas les fourmis, reste intacte. Devenue encombrante, elle est ensuite transportée vers les “dépotoirs” de la colonie ou abandonnée dans une galerie souterraine.

Et c’est là que la magie opère : la graine se retrouve semée dans un environnement idéal, à l’abri des prédateurs et entourée de nutriments. Parfait pour germer !

Quelles plantes utilisent ce mode de dispersion de leurs graines ?

Environ 11 000 espèces de plantes à travers le monde pratiquent la myrmécochorie. Dans nos jardins tempérés et nos forêts européennes, ce mode de dispersion est particulièrement fréquent chez les plantes printanières. Ces plantes sont dites myrmécochores, souvent de petit taille et à floraison printanière assez précoce, qui produisent des graines qui tombent au pied de la plante mère :

  • La violette et la pensée sauvage (Viola sp.) : C’est l’exemple le plus célèbre. Les violettes produisent des graines munies d’un élaïosome blanc et brillant qui attire immédiatement les fourmis.
  • Le primevère (Primula vulgaris) : c’est également un exemple typique de plante myrmécochore qui fleurit tôt au printemps. Juste au moment où les fourmis commencent à s’activer. C’est pourquoi dans les jardins et les sous-bois, on aperçoit souvent de nouveaux primevères, séparés les uns des autres de quelques mètres, souvent au pied des murs ou dans les pelouses.
  • Le Perce-neige (Galanthus nivalis) : Ses graines tombent au sol dès la fin de la floraison, prêtes à être emportées par les premières ouvrières de la saison.
  • La chélidoine (Chelidonium majus) : Souvent considérée comme une “mauvaise herbe”, elle doit sa présence dans les fissures de murs et les recoins improbables au travail acharné des fourmis.
  • Le cyclamen : Après la floraison, la tige du cyclamen s’enroule comme un ressort pour déposer les graines au plus près du sol, facilitant le travail de collecte des fourmis.
  • L’anémone des bois (Anemone nemorosa) et l‘anémone hépathique (Hepatica nobilis) : Elles colonisent les sous-bois grâce à ce partenariat, formant de vastes tapis fleuris au printemps.
  • La corydale (Corydalis) : ces fleurs du printemps produisent des graines noires avec un élaïosome blanc très visible.
  • Le lamier (Lamium) : courant dans les lisières de bois et les zones ombragées, le lamier est souvent myrmécochore.

    myrmécochorie exemple de plantes

    Des plantes myrmécochores

Les avantages de ce partenariat entre plantes et fourmis

Au premier abord, la myrmécochorie est un phénomène tout à fait étonnant, mais anecdotique. Il n’en est rien. C’est en fait une véritable stratégie de survie qui offre des avantages considérables aux deux parties.

Les avantages pour la plante myrmécochore

  • Une protection contre la prédation : Une graine restée à la surface du sol risque d’être mangée par un rongeur ou un oiseau. En étant emportée sous terre, elle échappe aux regards et à la convoitise de ces granivores qui se seraient contenté de la manger
  • Une protection contre le feu : Dans les milieux sujets aux incendies, comme le maquis méditerranéen ou le bush australien, les graines enterrées par les fourmis survivent au passage des flammes. Protégées de la chaleur et des flammes, elles germent dès que le feu est éteint et redonnent vie aux paysages.
  • Un engrais sur mesure : Les zones de déchets des fourmilières sont extrêmement riches en azote et en phosphore. La graine germe donc dans un “terreau” de haute qualité
  • Un contournement de la compétition : En déplaçant la graine loin du pied mère, la fourmi permet à la nouvelle plante de ne pas entrer en compétition directe pour la lumière, les nutriments et l’eau avec sa génitrice.

Les avantages pour les fourmis

L’élaïosome constitue une source de nourriture stable et facile à collecter. Dans certains environnements pauvres, c’est une ressource protéique essentielle pour le développement des larves de la colonie.

Et pour le jardinier ?

En observant les fourmis, ces ouvrières infatigables, le jardinier ne peut apprendre que la patience et l’humilité. Et aussi le lâcher prise. En effet, pour avoir un beau jardin, il faut bien sûr semer et planter, entretenir et tailler, fertiliser et arroser… mais il faut aussi laisser faire ceux qui y participent indirectement mais efficacement. Et quoi de plus beau qu’un tapis de violettes sous l’ombrage d’un bel arbre ?

En quoi le jardinier peut favoriser cette collaboration ?

Comprendre la myrmécochorie peut changer notre regard sur le jardin. D’autant que les fourmis ont souvent mauvaise presse au jardin. On veut les chasser ou pire les éradiquer. Mais considérez une fourmi qui transporte une graine non pas comme un envahisseur, mais plutôt comme une auxiliaire de culture. C’est déjà un pas important pour les préserver.

Ensuite, il est possible d’encourager leur présence dans un jardin naturel. Avec tout simplement quelques gestes simples :

  • Limiter les insecticides : l’usage de produits pesticides, même naturels car non ciblés, perturbe les pistes de phéromones des fourmis et décime les colonies.

  • Préserver des zones de litière : Ne pas “nettoyer” frénétiquement chaque centimètre de terre. Les feuilles mortes et les débris végétaux sont les autoroutes des fourmis où elles circulent sans qu’on s’en rende vraiment compte.

  • Accepter le vagabondage : Si une violette pousse entre deux dalles ou au pied d’un mur, c’est probablement l’œuvre d’une fourmi. Laissez ces plantes s’installer là où elles ont été “semées”. Elles formeront, à l’image des primevères, de magnifiques tapis fleuris au printemps.

La myrmécochorie, un équilibre très fragile

Malheureusement, ce partenariat est menacé. L’introduction d’espèces de fourmis invasives, comme la fourmi d’Argentine, perturbe ce cycle. Contrairement à nos espèces locales, ces fourmis consomment souvent l’élaïosome sur place sans transporter la graine, ou dévorent carrément la graine, rompant ainsi le contrat de mutualisme. Ces fourmis sont déjà très présentes le long de la Méditerranée, dans les départements du sud et en Corse.

Le réchauffement climatique joue aussi un rôle : si la floraison des plantes et l’activité des fourmis ne sont plus synchronisées, la dispersion des graines ne peut plus se faire, mettant en péril la survie de certaines espèces végétales à long terme.

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une fourmi transportant une graine de pissenlit