Client Promesse de Fleurs depuis de nombreuses années, Stéphan s’est créé un jardin en adéquation avec les enjeux climatiques actuels et inspiré du style californien qu’il affectionne particulièrement. Au fil de notre interview, cet ancien cadre dans l'industrie agro-alimentaire a accepté de nous dévoiler l’histoire de son « jardin Tibúron », véritable cocon de verdure niché au cœur de la baie de Somme.

Le jardin de Stéphan, dans la Baie de Somme

Comment est née votre passion pour le jardin ?

Je crois que ma passion pour le jardinage remonte à mon plus jeune âge. Enfant déjà, j'aimais arpenter la nature et admirer les fleurs. Mes parents avaient une maison de vacances à la campagne, ma passion est née de l’observation. Ensuite, c’est en école d’ingénieur que j’ai suivi des cours de botanique et été définitivement gagné par le virus. Cela a pris tout son sens quand il y a 10 ans, j'ai fait construire cette maison dans la baie de Somme sur un terrain vierge. Il y avait tout à faire. Mon rêve de m’abandonner totalement à cette passion pour le jardin, de le dessiner et de le créer de toute pièce est enfin devenu réalité.

Vous êtes parti d’une page blanche, quelles étaient vos contraintes ?

En effet, je suis parti de rien. J’ai élaboré un plan dessiné sur papier millimétré. Je suis fier de voir qu'il est assez fidèle au jardin tel qu'il existe aujourd'hui. Le terrain est une parcelle de 1100 m² très ensoleillée, située à 23m au-dessus du niveau de la mer, tout près de Saint-Valery-sur-Somme (80), sur une ancienne falaise morte, d'où le nom 'Pinchefalise' qui signifie « falaise penchée ». Un bois voisin protège le terrain des vents dominants. Il s’agit d’un plateau calcaire, le sol est riche avec des silex et des veines de sable à poule. Le terrain est très drainant, plutôt sec, je l’ai découvert au fil de mes tests d’implantation pas toujours concluants !

Le jardin et la maison de Stephan

Comment décririez-vous votre jardin ? Comment définiriez-vous son style ?

Créer son jardin, c’est un peu comme peindre une toile, c'est une partition de couleurs qui ponctue les saisons. J’y travaille par petites touches, en jouant sur les perspectives, sur les couleurs, les formes et les textures. C’est un jardin qui raconte mon histoire et se lit comme un tableau, avec comme fil conducteur l’influence californienne. Je lui ai donné un style qui correspond à mon goût du voyage. De nombreux détails évoquent une partie de ma vie à San Francisco où j'ai travaillé plus d'un an. Il s’articule autour de deux terrasses et sert d’écrin à une maison passive très inspirée de l’architecture californienne et surnommée « la villa Tibúron » (clin d'œil à la péninsule éponyme dans la baie de San Francisco) dans laquelle règne le bois, la pierre naturelle, les toits terrasse végétalisés et la lumière. Chacune des pièces comporte une baie qui donne sur le jardin. C'est une architecture simple et minimaliste, tournée vers l’extérieur qui laisse la place à la nature environnante. J'ai pu étudier la flore installée dans les parcs et jardins de San Francisco.

Le fil vert dès le départ a été d’amener un peu de Californie dans la baie de Somme, dont je suis tombé sous le charme, mais sans pastiche et dans le respect de la flore locale. Par exemple, il n’y a ni palmier ni sujets exotiques, hormis les aeoniums qui forment de superbes rosettes colorées dont je suis amoureux et que j’installe en saison. C’est un jardin impétueux, à l’ordre désordonné, libre et maîtrisé à la fois, rebelle et dompté, où se mêlent arbres remarquables et vivaces atypiques ou rares.

Terrasse et buis-boule, jardin Tiburon

Quelles sont les plantes qui le composent ?

Le fond du jardin est réservé à l’arboretum où domine le Sequoia sempervirens ou "Séquoia à feuilles d'if", ce conifère emblématique du parc de Yosemite. Les prêles, ces véritables fossiles vivants très structurantes, soulignent l'allée de l'entrée. Les Cornus, dont le plus incroyable à mes yeux est le Cornus kousa ‘Venus’ avec ses immenses bractées étoilées blanc crème est visible dès le hall d'entrée, derrière une large baie vitrée. Éclairé par des leds, on peut l'admirer jour et nuit. L’Albizia 'Summer Chocolate', le Nothofagus antarctica, le Cornus controversa ‘Variegata’, le Poivrier du Sichuan, ou encore le Parrotia persica, apportent aussi une présence remarquable avec leurs ports variés et originaux, leurs fleurs spectaculaires et leurs feuillages toujours légers, charmants et surprenants. Parmi les topiaires, des buis-boule, un pin et un charme taillés en nuage donnent la touche graphique. J’aime l’idée de pouvoir flâner d’un massif à un autre, de se laisser surprendre. Parmi mes vivaces iconiques, les agapanthes, hostas, fougères, euphorbes, heuchères et la verveine de Buenos Aires, sans oublier la Valériane endémique en Baie de Somme, étoffent ou illuminent les massifs.

Heuchères et fougères

Face au changement climatique et à la sécheresse, adaptez-vous votre jardin ? Quelles sont les plantes qui tirent le mieux leur épingle du jeu ?

J'ai vite compris qu'il fallait s'adapter, surtout dans un sol aussi calcaire, et se tourner vers des plantes résistantes. On apprend de ses échecs, j’ai dû me résoudre à l’idée de ne pas pouvoir avoir de gunnera au feuillage pourtant si luxuriant. Comme je n’ai ni garage, ni serre, mes plantes doivent être rustiques. Une citerne de 10 m³ de récupération des eaux pluviales permet une réduction de l’arrosage. L'architecture de la maison limite également l'empreinte écologique. Je souhaitais un jardin le plus autonome possible, qu'il s'autorégule pour alléger le travail du jardinier. J’ai pris le parti de planter serré et d’utiliser des paillages pour lutter contre l’évaporation. J'évite de planter des espèces horticoles souvent gourmandes en eau. Vivaces et persistants, les végétaux ont été choisis pour leur robustesse, leur adaptation au changement climatique et aussi aux restrictions d'arrosage. L'instinct de survie fait le reste ! Les myrtes, par exemple, sont des arbustes persistants et parfumés, méditerranéens, rustiques jusqu'à -8 °C environ, qui se plaisent bien dans mon jardin sec, et sont parfaitement adaptés à la sécheresse estivale.

Jardin Tiburon

Quelles sont les plantes dont vous ne sauriez-vous passer ?

Quels projets pour votre jardin dans les mois à venir ?

En une dizaine d’années, je suis parvenu à ce que je voulais en termes d'architecture du jardin et d’équilibre des volumes même si je souhaite perfectionner le jardin en jouant encore plus sur les textures, les feuillages et les écorces. Mes projets pour les mois à venir se résument assez simplement à réduire la pelouse (moins de tonte, moins d’énergie), développer le compostage, broyer les branches pour les paillis et l’amendement, et à optimiser l’oxygénation de la mare alimentée uniquement en eau de pluie grâce à la citerne avec des plantes aquatiques adaptées. Et enfin, je suis toujours en quête de dénicher mes nouvelles perles rares !

Le bassin du jardin Tiburon