Le nom des plantes, c’est souvent… compliqué. Et c’est un euphémisme ! Pourquoi ? Parce qu'ils sont en latin. Or le latin, cela doit bien faire deux milles ans qu’on ne l’utilise plus à la boulangerie du coin. J'ai bien tenté, dernièrement, un : "Ave, Pistor ! Je voudrais du panem pour mon prandium." Et bien, j'ai dû répéter ma phrase trois fois pour sortir finalement avec un Paris-Brest à la place de ma baguette...

Alors, pourquoi continuer à utiliser le latin pour nommer les plantes ? Parce que le latin a une utilité : il permet ne pas s’emmêler les pinceaux !

En effet, en botanique, il n'existe pas réellement de noms français normalisés, c'est-à-dire officiels, contrairement à l'ornithologie par exemple.

Je m'explique : en ornithologie, une Fauvette à tête noire, ce charmant oiseau des jardins, est appelée dans toute la francophonie "Fauvette à tête noire" et non pas "Fauvette à chapeau" ou "Pipeau à tête noire" ou que sais-je encore ! Hélas, en botanique ce n'est pas réellement le cas. Et nous nous retrouvons avec un nom vulgaire souvent peu officiel mais utilisé par le plus grand nombre ou, pire encore, avec les noms vernaculaires : ceux qui proviennent d'une région, d'un patois, bien spécifique. Farigoule pour le Thym en Provence par exemple.

Exemple : Une Aubépine monogyne est appelée parfois Aubépine à un style ou Épine blanche ou Noble épine ou... Alors qu'on ne parle que d'une seule et même plante : Crataegus monogyna Jacq. 1775. Or, la confusion qui en résulte peut avoir des conséquences désastreuses en phytothérapie ou simplement... en cuisine.

Et je ne parlerai même pas des innombrables "Herbes de la Saint Jean" ou autre "Herbe-à-machintruc"... qui foisonnent dans nos campagnes. Comment voulez-vous vous y retrouver ? Scrogneugneu ! (remarque en passant, ces noms vernaculaires ont souvent une signification en ethnobotanique, donc ne sont pas toujours à rejeter).

Mais alors pourquoi le latin pour nommer les plantes ?

Tout simplement car lorsque la botanique connut réellement son essor au cours du XVIIIe siècle, le latin était la langue écrite officielle en Europe. Toutes publications scientifiques devaient donc être rédigées dans cette langue. Et cela a été le cas jusqu'au début du vingtième siècle, la description d'une nouvelle plante devait être rédigée en latin. Désormais, hélas, cela n'est plus et cette fameuse diagnose, la description concise d'un nouveau taxon, est désormais écrite en... anglais, comme pour toutes les autres publications scientifiques. "Times change..."

Mais chaque plante est toujours nommée en latin par convention par un nom de genre (avec une Majuscule et un nom d’espèce en minuscule,le tout en italique !), c’est ce que l’on appelle la nomenclature binomiale, systématisée au XVIIIe siècle par Carl Von Linné (souvent on dit qu’il en est l’inventeur, il n’en est rien : c’est Pierre Belon et Guillaume Rondelet qui en eurent l’idée déjà au XVIe).

On rajoute, à la suite de ces deux mots, le parrain de la plante, c’est ce que l’on appelle la citation d’auteurs. Cette citation d'auteur, parfois qu'une simple lettre, est relatif au premier botaniste qui a utilisé le nom de la plante dans une publication scientifique (si c’est juste dans son jardin, cela ne compte pas !). Ajoutez à cela la date à laquelle cette première publication est sortie et vous avez désormais le nom complet.

Nota bene : Le parrain est souvent L. pour Linné, le grand naturaliste suédois. Mais il peut s’agir d’autres parrains botaniques : Mill. pour Miller, Jacqu. pour Jacquin, Sw. pour Swartz ou alors le nom en entier : Chase par exemple.

En résumé pour nommer une plante dans les règles de l'art, il faut :

  • la nommer impérativement par son nom scientifique en latin pour être bien certain de vous faire comprendre par tous vos contemporains, qu'ils soient vénézuéliens, japonais ou d'une autre planète. Et c'est quelqu'un qui vous écrit d'un pays trilingue qui vous le dit...
  • utiliser son nom complet. J'ai sans arrêt des gens qui m'apostrophent dans la rue et me disent, dans le but sans aucun doute de me faire plaisir : "j'ai planté un cornouiller chez moi, tu avais raison, cet arbuste est fantastique". Cette phrase n'a pas de sens, je ne peux pas savoir de quoi vous me parlez ! Il y en a une cinquantaine d’espèces différentes dans le genre Cornus et je ne parle même pas des innombrables variétés, cultivars ou hybrides !
  • ne pas oublier, justement, le cultivar ou la variété pour être tout à fait complet. Une variété est une variante de l’espèce qui a vu le jour à l’état sauvage, tandis qu’un cultivar, qui vient de l’anglais Cultivated varieties est une variété crée par l’Homme. Ces derniers s’inscrivent entre guillemets simples droits comme ceci : ‘Tirelipimpon’. A tout cela peut encore s’ajouter les sous-espèces, les sous-variétés, les formes, …

Nous n'en sommes avec le genre et l'espèce (et tout ce qui suit) qu'aux derniers taxons de la classification taxinomique : souvenez-vous de la suite "Règne, Embranchement, Classe, Ordre, Famille, Genre, Espèce, ..."

De nos, jours deux classifications persistent encore en botanique :

  • la classique dite de Cronquist, basée uniquement sur les critères morphologiques
  • et la classification phylogénétique qui s’appuie, quant à elle, sur les dernières recherches génétiques.

Cette dernière a d'ailleurs chamboulé pas mal la botanique ces dernières années. A terme, la deuxième remplacera définitivement la première.

Petit Florilège (sans jeux-de-mots) de ce qu'on peut trouver dans nos jardins...

Mais si ces noms latins sont indispensables en botanique, force est de constater qu'ils sont parfois mal trouvés, voire carrément incongrus, imprononçables, invraisemblables, abracadabrantesques ou tout simplement ridicules. Il faut bien avouer qu'ils sont rarement poétiques et charmants...

Certains nous font songer à un sort de défense dans la série de livres 'Harry Potter'. D'autres nous plongent sous les ordres d'un Dux Bellorum en pleines manœuvres poliorcétiques. Lorsque d'aucuns encore semblent sortir tout droit du Larousse médical.

Quelques exemples :

  • les imprononçables (ou impossible à écrire) : Kniphophia, Eschscholtzia, Lamprocapnos, Mesembryanthemum, Chamaemelum (Kamehameha !!!), Leycesteria, Physostegia, ...
  • les bizarroïdes : Zaluzianskya, Solms-laubachia, Drepanostachyum, Rhodohypoxis, Buphtalum, Kolkwitzia,
  • ceux qui nous font songer à tout sauf à une jolie plante : Schizophragma ? Le diagnostic d'un tueur en série ? Sida ? Là, pour le coup, ce n'est même pas drôle..., Anthirrhinum ? Un médicament contre le rhume ? Eremurus ? Ah oui non, mais là je suis vraiment certain que c'est un sort de mangemort !, Dactylorhiza ? une ancienne marque de machine à écrire ?
  • Les euh... bon... on va juste dire "ridicules" : Tripterospermum, Ziziphus, Lychnis flos-cuculi, Chiastophyllum, Sisyrinchium, ...

Bref, la liste est longue et plutôt subjective, les noms moches ou bizarres des uns ne seront peut-être pas ceux des autres. Nous attendons d’ailleurs les vôtres dans les commentaires ! Mais c’est à croire que poésie et botanique font rarement bon ménage… Et pourtant, s'il était bien une matière qui pouvait se permettre une certaine poésie, c'était bien la botanique.

Mais en botanique, comme dans de nombreux domaines, les scientifiques cartésiens ont pris le pas sur les poètes, les rêveurs, les romantiques ou les méditatifs... Nous, en tant que jardinier, on se retrouve souvent pile au milieu. Tenaillé entre la botanique pure et dure et le fait d'appeler d'un joli patronyme inventé pour l'occasion cette drôle de plante de votre jardin dont vous n'avez justement jamais su retenir le nom réel.

Mais après tout... Herbe-à-chatouilles pour les Pennisetums, c'est pas si mal...