La sécheresse, c'est le manque d'eau récurrent ou occasionnel. La plupart des plantes en souffrent, car l'eau est indispensable à leur vie, particulièrement dans le processus de photosynthèse. Mais l'eau est aussi indispensable à la circulation des nutriments à travers le végétal. D'ailleurs, une plante est composée entre 80 et presque 100 % d'eau en fonction des espèces (un peu comme nous...). On pourrait se dire que s'il n'y a plus d'eau, c'est la mort assurée. Pourtant, certaines s'accommodent plutôt bien de la sécheresse. On parle alors de plantes xérophytes. Faisons le point sur les adaptations étonnantes des végétaux face à la pénurie d'eau. 

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Paysage de garrigue où les plantes se sont adaptées à la sécheresse

Stratégie numéro 1 : on économise l'eau !

Pour économiser l'eau, il faudra limiter le phénomène d'évapotranspiration au maximum. Plusieurs solutions sont alors possibles. 

Réduire la surface des feuilles au maximum 

Plus la surface d'une feuille est grande, plus l'évaporation est importante. Certaines plantes produisent donc des feuilles à la surface particulièrement réduite comme le thym, la lavande, le Grevillea, le ciste, le Pin parasol ... Avez-vous remarqué que les arbustes méditerranéens produisent souvent des feuilles très petites, mais en grand nombre ?

On peut aussi découper une feuille à l'extrême pour garder la même surface photosynthétique, mais avec moins d'évapotranspiration. C'est le cas des Achillées millefeuilles, des Nigelles de Damas...

Ou carrément, ne plus produire de véritables feuilles ! Comment ça, ça n'existe pas une plante sans feuilles ? Et les cactus alors ? Les cactées ont réduit à leur plus simple expression les feuilles jusqu'au stade d'épine : plus d'évapotranspiration et c'est finalement la tige qui se charge de faire la photosynthèse. 

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Réduire la surface foliaire au maximum : ici le feuillage d'un romarin et les épines d'un cactus

Réduire l'exposition des feuilles 

Une plante peut garder une grande surface foliaire si elle ne l'expose pas au soleil direct. C'est le cas des plantes d'ombre évidement, mais certaines plantes poussant au soleil peuvent faire en sorte que le soleil ne tape pas directement sur la feuille. Un simple changement d'angle et l'évapotranspiration se retrouve réduite au maximum. On peut citer en exemple certains Eucalyptus dont les feuilles pendent à la verticale, le Micocoulier de Provence (Celtis australis) qui "bouge" ses feuilles pour n'en offrir que la tranche au soleil, ou les plants de haricots qui semblent "taper dans leurs mains" en cas de fortes chaleurs. D'autres vont même enrouler leurs feuilles aux heures les plus chaudes comme le Brachypode rameux. 

Etonnant Micocoulier ou Celtis Australis qui adapte l'exposition de son feuillage au soleil

Transformer les feuilles 

Certaines plantes vont carrément transformer la couche protectrice des feuilles. Le plus simple est de recouvrir la feuille par une grosse couche cireuse. Plus la cuticule est épaisse, moins l'eau s'échappera. C'est le cas de l'Olivier, du Laurier noble, du Chêne vert, du Fragon petit-houx, des genévriers. Mais aussi, cette couche cireuse, donc luisante, va renvoyer les rayons du soleil. Ce qui limitera encore les pertes en eau. À noter qu'une imperméabilisation totale de la feuille aux échanges gazeux serait fatale (voir point "fermer les stomates"). La couche cireuse ne se trouve donc que sur le dessus de la feuille, le revers, à l'ombre, est "normal" et permet à la plante de respirer, donc de participer à l'évaporation.  

Une couche de poils est aussi une excellente idée, car l'air (et un peu de rosée) pourra s'y accrocher formant une sorte d'isolant thermique. C'est le cas de la Balotte, du Stachys byzantina, du Chêne pubescent, du Ciste cotonneux (Cistus albidus), de l'Euphorbia tetragona... Le Chêne vert et l'Olivier présentent des poils sur le revers de la feuille pour protéger les stomates, ce qui réduit encore un peu les pertes en eau. 

Tiens en parlant de Stachys byzantina... Avez-vous remarqué sa couleur de feuillage ? Plutôt gris-argenté, n'est-ce pas ? Bien vu ! C'est encore une adaptation du feuillage pour lutter contre la chaleur et les pertes en eau. Le gris-verdâtre, voire argenté, permet de réfléchir efficacement les rayons du soleil. À méditer, pour choisir la couleur de son T-shirt pour l'été... 

Olivier et Stachys byzantina

Se mettre tout nu 

On a déjà parlé des bénéfices de la réduction de surface foliaire : faire des feuilles très petites pour subir moins de pertes en eau. Mais... si on n'avait carrément plus de feuilles ? C'est le cas de certaines plantes qui perdent leur feuillage en cas de sécheresse pour ne garder que des branches et tiges vertes qui leur permettent de faire un peu de photosynthèse. Mais cela réduit fortement leur croissance tout de même. C'est le cas des Spartiers à tiges de jonc notamment (Spartium junceum). 

Certaines tiges sont elles-mêmes adaptées à la sécheresse : en devenant plus coriace comme dans le cas de la salsepareille (ça, c'est vraiment schroumpfant !) ou en adoptant une forme spéciale qui permet de créer des mini-zones d'ombre comme chez certains cactus aux arêtes longitudinales.

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Spartium junceum

Fermer les stomates 

Lorsqu'il fait trop chaud, le plus simple est de fermer les fenêtres de nos habitations. Eh bien, les plantes font presque la même chose. Les stomates permettent les échanges gazeux entre la plante et son environnement. Fermer ses stomates lors des grandes chaleurs est donc l'une des solutions pour éviter le dessèchement. Mais attention ! Car la plante ne peut plus "respirer" et la photosynthèse ne se fait plus correctement. Ce n'est donc qu'une solution à court terme. 

A noter que ces stomates peuvent aussi plus simplement se retrouver sous la feuille pour éviter les pertes en eau. C'est le cas du Laurier rose ou de l'Oyat (Psamma arenaria) par exemple. 

Stratégie numéro 2 : on stocke l'eau !

Lorsqu'on a peur d'une pénurie d'essence, de papier toilettes (je n'ai jamais compris le délire cependant) ou autre... Nous, les humains, n'avons qu'une seule idée : faire du stock ! (au risque de créer cette pénurie tant redoutée). Sans vouloir sombrer dans l'anthropomorphisme de bas étage, les plantes font un peu la même chose. 

Certaines plantes ont en effet acquis la capacité de stocker de l'eau dans certains de leurs tissus : tubercules, racines tubérisées, tiges renflées (comme pour les cactées) ou bien feuilles succulentes (feuilles charnues remplies de liquide) chez les plantes grasses. Comment ça marche ? Les tissus de ces plantes ont une forte concentration en sels minéraux. Ces sels minéraux vont capter l'eau quand il y en a. On retrouve cela chez les cactées, certaines euphorbes, l'orpin, les sedums et hylotelephium, les crassulas... 

Ajoutons à cela qu'une bonne partie des plantes succulentes a évolué pour limiter les pertes en eau par d'autres manières : réduction de la surface foliaire, production de poils sur le feuillage... 

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L'eau peut être stockée dans les tissus comme les plantes succulentes ou dans les organes de réserve comme les rhizomes

Stratégie numéro 3 : on va chercher l'eau très loin !

Si de l'eau n'arrive plus en surface, cherchons-la ailleurs. Et cet ailleurs se trouve parfois très bas sous nos pieds.  Certains arbres et arbustes ont donc développé un système racinaire très profond, pouvant descendre à plusieurs mètres de la surface. Les champions du genre chez nous dans le Sud sont les buis et le chêne kermès (Quercus coccifera). 

Stratégie numéro 4 : on brumise de l'eau !

Certaines plantes, notamment quelques aromatiques de la famille des lamiacées comme le thym, la lavande ou le romarin, savent se calfeutrer dans une sorte de brume. Cette brumisation est produite par la plante elle-même qui éjecte par ses pores des gouttelettes d'eau et d'huile essentielle. C'est pour cela que ces plantes sentent plus par temps chaud et sec ! Cette brumisation permet de créer un écran protecteur contre les rayons du soleil et limite les pertes en eau. 

Les plantes aromatiques comme la lavande se protègent par "brumisation"

Stratégie numéro 5 : on n'est plus là !

Si l'eau ne sera plus disponible à partir d'une certaine date, une solution pourrait être de ne pas ou plus être là lorsque cela arrive. Certaines fleurs possèdent un cycle de vie très court permettant à la graine de germer en automne puis de fleurir et produire ses graines directement au printemps. Ainsi lorsque arrive l'été, la plante a déjà terminé sa vie. Et le cycle recommencera en automne. C'est le cas d'un bon nombre de fleurs annuelles du bassin méditerranéen comme la Crepis sancta ou Ptérothèque de Nîmes par exemple. 

Mais cette technique n'est pas l'apanage des annuelles, certaines plantes vivaces vont faire en sorte de "disparaître" durant la saison sèche. C'est le cas de nombreuses plantes à bulbes qui fleurissent au printemps, comme l'Iris germanica pour n'en citer qu'un. Ces végétaux vont vivre sur leurs réserves durant la saison sèche sous forme de rhizomes ou de bulbes, tandis que la partie végétative (tige, feuilles et fleurs) disparaît momentanément. 

Les fleurs des cistes font perdre beaucoup d'eau à la plante, contrairement à leurs feuilles. L'arbuste s'est donc adapté pour que les fleurs ne durent qu'une journée, parfois moins encore. Ainsi, la plante peut fleurir sans trop de pertes en eau. 

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La ciste s'adapte à la chaleur avec des fleurs ne durant que quelques heures

Stratégie numéro 6 : on révolutionne le cycle de Calvin !

Plantes en C3 

On ne va pas ici expliquer en détail le cycle de Calvin lors de la photosynthèse, car cela nécessiterait un article à part entière. Mais pour faire simple : durant la photosynthèse, une plante dite normale va capter l'énergie lumineuse pour pouvoir fixer le CO2 sous forme de chaines carbonées (glucose), l'énergie chimique. Mais avant de se transformer en sucre (molécule à 6 carbones), on doit passer par une phase intermédiaire : des molécules possédant trois carbones. Voilà pourquoi, on appelle parfois ces plantes : plantes en C3, pour 3 carbones. Les plantes en C3 sont parfaitement adaptées aux climats froids et tempérés. 

Plantes en C4

Le cas particulier des plantes en C4 maintenant. Ce sont des plantes qui sont plus adaptées aux climats chauds. Elles vont utiliser le cycle de Hatch-Slack qui est une variante du cycle de Calvin. L'énergie lumineuse va transformer le CO2 directement en une molécule à 4 carbones (d'où le nom C4) qui va migrer vers la face inférieure de la feuille. Cette molécule n'est qu'un intermédiaire pour que le cycle reprenne normalement juste après et produise des molécules à 3 carbones puis du sucre. Mais juste avant cela, cette molécule à quatre carbones va libérer du CO2 qui sera stocké dans la feuille. Résultat : même avec des stomates presque refermés pour éviter les pertes en eau, la plante peut continuer à faire la photosynthèse pendant les périodes chaudes. Elle pourra donc continuer à pousser tout en perdant le moins d'eau possible. 

Plantes CAM 

Il existe aussi des plantes CAM pour Crassulean Acid Metabolism (Métabolisme acide crassulacéen). C'est le cas de nombreuses plantes grasses, les cactées et les euphorbes. Les stomates s'ouvrent la nuit pour éviter les pertes en eau. Le CO2 est assimilé par la plante en une première molécule en C4 puis en acide malique. Le jour venu, cet acide malique est transformé grâce à l'énergie lumineuse en molécules à trois carbones puis en sucre (comme dans un cycle de Calvin normal). 

Pour terminer sur des chiffres : les plantes en C3 ont besoin de 400 ml d'eau pour assimiler 1 g de Carbone ; les plantes en C4, seulement 250 ml et les plantes CAM, à peine 50 ml. Les plantes en C4 et CAM prospèrent mieux que les C3 en climat chaud et sec. 

Si vous désirez avoir aussi mal à la tête que moi en écrivant ces lignes et vous amuser à reproduire les différents cycles sur des feuilles A3 punaisée au mur, voici trois liens qui devraient vous plaire : 

Cycle de Calvin (plante en C3)

Cycle de Hatch & Slack (plante en C4) 

Métabolisme acide crassulacéen