Blastophage du figuier : le minuscule insecte indispensable aux figues

Qu'est-ce que le blastophage du figuier ?

Le blastophage est un hyménoptère du genre Blastophaga, membre de la famille des Agonidés, autrement appelé “guêpe du figuier”, seul insecte pollinisateur du figuier commun (Ficus carica) dans les régions méditerranéennes.

Sa morphologie

La seule espèce présente naturellement en Europe est Blastophaga psenes. À la différence des abeilles ou des papillons qui visitent plusieurs fleurs différentes, le blasthophage n’est pas généraliste. Il est intimement lié au figuier.

Le dimorphisme entre mâle et femelle est très marqué. En effet, la femelle est assez proche d’un petit moucheron avec ses deux paires d’ailes, ses antennes et ses mandibules. L’ovipositeur lui permet d’entrer et de pondre dans les fleurs à style court,  mais pas dans les fleurs à style longs des figuiers femelles. Quant au blasthophage mâle, il est aptère (sans ailes) et aveugle. Il ne sort jamais de sa figue de naissance, où il attend les femelles. La taille du blasthophage varie entre 1,5 et 2 millimètres.

La particularité des figuiers

Le figuier est un arbre très particulier qui produit des figues. Jusque là, c’est simple. Mais il ne produit pas de fleurs, ou plutôt pas de fleurs visibles. En effet, les fleurs se trouvent à l’intérieur du fruit en formation. Pour ajouter une difficulté, il existe plusieurs types de figuiers :

• Le caprifiguier est un figuier “mâle” qui produit des figues non comestibles appelées “caprifigues”. Ces figues renferment des fleurs mâles et des fleurs femelles à style court, qui permettent au blastophage de pondre. La reproduction du figuier repose ici sur une relation unique entre l’arbre et le blastophage.
• Le figuier domestique femelle qui ne porte que des fleurs femelles à style long. Le blastophage ne peut pas y pondre. Ces fleurs doivent être pollinisées si on veut obtenir des graines
• Le figuier autofertile qui produit des fruits par parthéocarpie, c’est-à-dire sans fécondation. Mais les figues obtenues ne contiennent pas de graines. La plupart des figuiers vendues dans les pépinières ou en ligne appartiennent à cette catégorie et n’ont pas besoin du blastophage pour produire de délicieuses figues.
  

  La femelle fécondée et ailée entre dans les figues par l’ostiole et pond ses œufs dans les fleurs femelles à style court

Le cycle de vie du blastophage

Le mutualisme entre Blastophaga psenes et Ficus carica est très spécialisé. Leur cycle de vie des insectes est très dépendant du caprifiguier.

• Au printemps, aux environs du mois de mai, les figues du caprifiguier mûrissent, émettant un parfum chargé en phéromones. La femelle fécondée et ailée entre dans les figues par l’ostiole et pond ses œufs dans les fleurs femelles à style court. En même temps, elle se couvre de pollen
• Les  œufs donnent naissance à des larves, mâles et femelles, dans des galles, c’est-à-dire des structures créées dans les ovaires des fleurs femelles à style court
• Devenus adultes, les mâles fécondent les femelles, souvent à l’intérieur de la figue
• Ils creusent ensuite des tunnels pour permettre aux femelles fécondées de sortir, avant de mourir
• Les femelles sortent de la figue, couvertes de pollen
• Elles se mettent en quête de figues réceptives, soit sur des caprifiguiers, soit sur des figuiers domestiques femelles. En entrant dans une figue femelle, elles apportent le pollen, mais ne peuvent pas pondre à cause du style long. Elles meurent généralement rapidement, ou restent prisonnières selon les cas.

Il peut y avoir plusieurs générations de figues dans l’année, avec des mûrissements à plusieurs époques. Il y a donc alternance entre les périodes où le blastophage du figuier peut pondre et celles où il ne fait que polliniser.

Le rôle écologique des blastophages

Le blastophage est naturellement répandu dans les zones au climat méditerranéen, où poussent les figuiers. Dans les régions plus au nord, le blastophage ne parvient pas toujours à survivre ou à compléter son cycle, à cause du froid, ou de l’absence de figues mâles adéquates ou synchronisées. C’est pourquoi, les jardiniers sont contraints à planter des variétés autofertiles ou parthénocarpiques qui n’ont pas besoin de blastophages pour fructifier.

C’est pourquoi, dans les régions méridionales, cette petite guêpe a un rôle écologique non négligeable :

• Pollinisation : sans le blastophage, le figuier (non parthénocarpique) ne serait pas pollinisé. Ce qui empêcherait la formation des graines, donc la reproduction sexuée du figuier. La fécondation de la figue dépend donc étroitement du blastophage.
• Mutualisme : c’est un exemple classique de mutualisme obligatoire, chaque espèce tirant un avantage vital de l’autre. Le figuier donne abri, nourriture, lieu de reproduction ; la guêpe donne le pollen
• Diversité génétique : la pollinisation par des insectes aide à maintenir la diversité génétique chez les figuiers en permettant la reproduction sexuée. Cela est important aussi pour la résistance aux maladies, l’adaptation aux changements de climat
• Chaîne alimentaire : les figues sont une source de nourriture pour beaucoup d’animaux (oiseaux, insectes, mammifères), donc le succès de la reproduction du figuier influence d’autres espèces. La guêpe représente elle-même un maillon de l’écosystème.

Ajoutons aussi le fait qu’une figue pollinisée naturellement a souvent une meilleure saveur, une meilleure texture et plus de graines, qui sont des sources de nutriments.

En photo : Blastophage femelle sur une figue (image générée par IA)

Quelles menaces planent sur le blastophage ?

Le blastophage est très dépendant du figuier. Et vice-versa. La moindre petite perturbation peut avoir de graves conséquences sur l’un comme sur l’autre :

• Les changements climatiques : des hivers trop froids ou des printemps tardifs avec des épisodes de gel peuvent nuire au cycle du blastophage ou perturber la synchronisation figue‑guêpe. Si la figue n’a pas les figues réceptives au bon moment, les femelles n’y entreront pas ou les œufs ne donneront rien
• La perte d’habitat ou la réduction du nombre de caprifiguiers : s’il n’y a pas assez de figuiers mâles, le blastophage ne pourra pas trouver d’endroit compatible pour sa reproduction, ce qui menace la pollinisation globale
• L’usage de pesticides : comme beaucoup d’insectes, le blastophage peut être affecté par les traitements phytosanitaires. Même si ce sont des insectes très discrets, ils sont essentiels. Leur disparition aurait des conséquences directes sur la production de figues (pour certaines variétés)
• L’introduction contrôlée : dans certaines régions on a dû introduire Blastophaga psenes lorsqu’on implantait des figuiers, pour assurer la pollinisation. Cela doit se faire prudemment pour éviter des effets écologiques indésirables
• La conservation du mutualisme : la relation figuier – blastophage est fragile car très spécialisée. Toute perturbation (climatique, anthropique, génétique) pourrait la casser, et cela aurait des conséquences sur la culture de la figue et la biodiversité locale.
  

  Figuier, planche botanique de 1822, et figuier ‘Goutte d’Or’ (bifère)

Vos questions, nos réponses

Y a‑t-il une guêpe dans la figue qu’on mange ?

Oui, techniquement la femelle blastophage entre dans la figue femelle avec du pollen. Le plus souvent, elle ne ressort pas, et meurt à l’intérieur. Toutefois, les enzymes de la figue la décomposent complètement, de sorte que l’on ne “voit” pas la guêpe.

Doit‑on obligatoirement avoir le blastophage pour manger des figues ?

Non, pas toujours. Si le figuier est parthénocarpique, il peut produire des figues sans pollinisation. Beaucoup de variétés domestiques le sont. Ce sont d’ailleurs ces figuiers qui seront cultivés hors des zones méditerranéennes ou chaudes. Car, dans les régions au climat peu clément, il est peu probable que le blastophage soit présent.

Peut‑on cultiver un figuier sans caprifiguier ?

Oui, lorsqu’on plante une variété qui ne dépend pas du blastophage (c’est‑à‑dire parthénocarpique) ou si on accepte des figues sans graines, ou peu de graines. Sinon, pour une reproduction sexuée, le caprifiguier est nécessaire, ainsi que la présence du blastophage.