Le thé, découvert en Chine il y a des millénaires, s'est répandu à travers le monde, devenant une boisson quotidienne pour des milliards de personnes. Sa popularité tient autant à sa variété de saveurs qu'à ses bénéfices pour la santé. En France, pays reconnu pour son terroir et son expertise agricole, la question de la viabilité de la culture du thé suscite un intérêt croissant. Alors que le thé a toujours été importé, les changements climatiques et une inclination vers une consommation plus locale et durable motivent une exploration de sa culture sur le sol français. Alors, cultiver son thé au jardin, c'est vraiment possible ?

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La culture du thé : une activité que l'on pourrait voir en France ?

Quelles sont les conditions pour cultiver du thé ?

La culture du thé, principalement issue de la plante Camellia sinensis, requiert des conditions climatiques spécifiques pour prospérer.

Le thé prospère dans son milieu naturel des climats subtropicaux à tropicaux, caractérisés par de fortes précipitations, une humidité élevée et des températures douces tout au long de l'année. Un climat avec des précipitations annuelles de 1000 à 2500 mm est idéal, réparties uniformément au cours de l'année pour éviter des périodes de sécheresse prolongées. Les températures optimales pour la croissance du thé se situent entre 13°C et 30°C. Le thé peut tolérer de brefs gels, mais des températures inférieures à -1°C peuvent déjà endommager certaines parties de la plante. Cependant, le Camellia sinensis est capable de survivre à des températures en points de -10°C, dans un sol drainé.

En plus de ces exigences thermiques et hydriques, le thé nécessite un sol bien drainé, légèrement acide, riche en matière organique et capable de retenir l'humidité. Une exposition au soleil modérée à une ombre légère est également préférable, car un ensoleillement excessif peut stresser les plantes, tandis qu'une ombre trop dense peut réduire la croissance.

Les régions de France les plus adaptées

  • La Bretagne et la Normandie : Ces régions bénéficient de précipitations abondantes et régulières tout au long de l'année, avec des températures qui restent généralement douces, évitant les extrêmes qui pourraient endommager les plantations de thé. Leur climat océanique est comparativement plus humide et tempéré, ce qui pourrait soutenir certaines variétés de thé.
  • La région des Pyrénées : Bien qu'elle puisse connaître des hivers plus froids, la proximité des montagnes offre une protection naturelle et crée des microclimats où le thé pourrait potentiellement être cultivé, surtout dans les vallées qui reçoivent une bonne quantité de précipitations et où le brouillard est fréquent.
  • Le pourtour méditerranéen : Malgré un climat plus sec et des étés chauds, des techniques d'irrigation adaptées et la sélection de variétés résistantes à la sécheresse pourraient rendre la culture du thé viable dans certaines zones. L'ensoleillement abondant de cette région peut également être bénéfique si géré avec soin pour éviter le stress hydrique des plantes.

Quelle variété choisir ?

Le Camellia sinensis se décline principalement en deux variétés majeures :

  • Camellia sinensis var. sinensis : cette variété est originaire de Chine et est plus résistante au froid, ce qui la rend adaptée aux climats tempérés. Elle pousse lentement et atteint généralement une hauteur modérée, ce qui facilite la récolte. Ses feuilles sont relativement petites et peuvent supporter des variations de température plus larges, ce qui est idéal pour plusieurs régions françaises.
  • Camellia sinensis var. assamica : originaire de la région d'Assam en Inde, cette variété est plus grande et a des feuilles plus larges. Elle préfère les climats chauds et humides et est moins tolérante au froid, ce qui peut la rendre moins adaptée aux régions françaises ayant des hivers rigoureux.

Optez pour la var. sinensis si votre région connaît des hivers froids ou des gelées. Si vous êtes dans une région plus chaude et humide, comme le pourtour méditerranéen, la var. assamica pourrait également prospérer. De nouvelles variétés plus résistantes, plus compactes, plus aromatiques voient le jour pour nos jardins. C'est le cas du Camellia sinensis "Theojardin' qui cumule ces trois qualités.

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Camellia sinensis var. sinensis et Camellia sinensis var.assmica (©Wikipedia Commons, Krzysztof Golik)

Culture et entretien du théier

Cultiver le théier en pot

  • Choix du conteneur : sélectionnez un pot d'au moins 30-40 cm de profondeur avec des trous de drainage. Les théiers ont besoin d'espace pour leurs racines, donc un grand pot est essentiel.
  • Substrat : utilisez un mélange de terreau de bonne qualité pour plantes acidophiles, combiné à du compost et de la perlite pour améliorer le drainage. Le pH idéal doit être légèrement acide, entre 4,5 et 6,5.
  • Plantation : plantez le théier au centre du pot, en veillant à ce que la surface du sol reste au même niveau que celle du sol dans lequel il a grandi. Tassez légèrement la terre autour de la base pour stabiliser la plante.
  • Arrosage : maintenez le sol uniformément humide, mais pas détrempé. Les théiers n'aiment pas l'excès d'eau. En été, un arrosage quotidien peut être nécessaire, surtout si le pot est exposé au soleil direct.
  • Lumière et emplacement : placez le pot dans un endroit où il recevra une lumière solaire filtrée ou une ombre partielle. Évitez l'exposition directe et prolongée au soleil l'après-midi, surtout dans les régions chaudes.
  • Fertilisation : fertilisez le théier tous les deux mois avec un engrais équilibré, adapté aux plantes acidophiles, durant la saison de croissance.
  • Protection hivernale : en hiver, protégez le pot des gelées en l'enveloppant d'un voile d'hivernage ou en le plaçant dans un lieu protégé comme une véranda non chauffée.

Cultiver le Camellia sinensis en pleine terre

  • Sélection du site : choisissez un endroit dans le jardin qui offre une ombre partielle et est protégé des vents forts.
  • Préparation du sol : ameublissez le sol sur une profondeur de 30-40 cm et incorporez une quantité généreuse de compost. Assurez-vous que le sol est bien drainé et a un pH légèrement acide.
  • Plantation : plantez le théier en pleine terre au printemps. La fosse de plantation doit être deux fois plus large que la motte de la plante pour faciliter l'expansion des racines.
  • Arrosage : arrosez régulièrement pour maintenir le sol humide, surtout durant les premières années de croissance. Diminuez l'arrosage durant l'hiver ou en cas de pluie régulière.
  • Fertilisation : appliquez un engrais pour plantes acidophiles au début du printemps et en milieu d'été pour soutenir la croissance et la floraison.
  • Taille et entretien : taillez les branches mortes ou malades en fin d'hiver ou début de printemps pour encourager une nouvelle croissance et maintenir la forme de l'arbuste.

Récolte et séchage des feuilles

Instructions pour la récolte des feuilles

  • Calendrier de la récolte : la récolte des feuilles de thé se fait généralement au printemps, lorsque les nouvelles pousses et les deux à trois premières feuilles sont les plus tendres. Ces jeunes feuilles contiennent plus d'arômes et produisent une meilleure qualité de thé.
  • Méthode de récolte : utilisez vos doigts pour pincer délicatement les jeunes pousses et les feuilles. Évitez de tirer ou d'arracher les feuilles pour ne pas endommager la plante. Récoltez tôt le matin pour bénéficier de la fraîcheur des feuilles.
  • Fréquence : les théiers peuvent être récoltés plusieurs fois au cours de la saison, généralement tous les 7 à 10 jours pendant la période de croissance active, en fonction de la rapidité avec laquelle la plante produit de nouvelles pousses.

Méthodes de séchage et de fermentation pour différents types de thé

Le traitement après la récolte varie selon le type de thé que vous souhaitez produire. Les principaux types de thé incluent le thé vert, le thé noir, et le thé oolong, chacun nécessitant des méthodes de séchage et de fermentation spécifiques.

Thé vert

  • Séchage : les feuilles de thé vert sont chauffées peu après la récolte pour prévenir toute fermentation. Ce processus peut être effectué à la poêle, sur un feu doux ou à la vapeur pour les préserver de l'oxydation.
  • Roulage : après le chauffage, les feuilles sont souvent roulées pour en briser les cellules et libérer les huiles et les arômes.
  • Séchage final : les feuilles roulées sont ensuite séchées complètement pour arrêter tous les processus biologiques, ce qui les préserve et les rend prêtes pour le stockage.

Thé noir

  • Flétrissement : les feuilles sont d'abord laissées à flétrir à l'air libre pour perdre une partie de leur humidité et devenir plus souples.
  • Roulage : les feuilles flétries sont ensuite roulées pour permettre aux huiles essentielles et aux jus de s'oxyder, ce qui développe la couleur et la saveur du thé noir.
  • Fermentation : après le roulage, les feuilles sont exposées à l'air dans un environnement humide pour permettre une oxydation complète, donnant au thé noir sa couleur foncée et son goût riche.
  • Séchage : enfin, les feuilles sont séchées à une température élevée pour arrêter le processus de fermentation.

Thé oolong

  • Flétrissement : similaire au thé noir, les feuilles sont flétries pour réduire leur teneur en eau.
  • Fermentation partielle : Contrairement au thé noir, les feuilles d'oolong sont partiellement fermentées, ce qui nécessite un contrôle précis du temps et de l'exposition à l'oxygène.
  • Roulage : les feuilles sont également roulées pour favoriser l'uniformité de la fermentation.
  • Séchage : les feuilles sont séchées pour fixer les arômes et préparer le thé pour le stockage.

Bientôt des champs de théier en France ?

On en est encore loin de la culture de masse. Le Camellia sinensis nécessite un climat humide avec des précipitations régulières et des températures qui ne descendent pas trop souvent en dessous de zéro. Certaines régions de France, comme la Bretagne, pourraient offrir des microclimats appropriés, mais cela reste limité... et risqué.

Cependant, la culture du théier pourrait se faire également par le biais de microclimats artificiels, l'utilisation de serres, ou l'adoption de méthodes de culture sous ombrage, pour protéger les plantes des conditions météorologiques extrêmes, mais cela va imposer un coût de production qu'il faudra reporter sur le prix du thé pour le consommateur. Par ailleurs, il est également essentiel d'évaluer l'impact environnemental de telles cultures, notamment en termes de gestion de l'eau, de l'utilisation de pesticides et herbicides, ainsi que de l'impact sur la biodiversité locale.

Au final, l'établissement de cultures de thé va demander une étude de marché pour évaluer la demande pour un thé produit localement, qui pourrait séduire un public soucieux de la provenance et de la durabilité de sa consommation. Mais tout cela nécessitera une analyse de la viabilité économique à long terme, compte tenu des coûts de production, de la logistique et de la commercialisation dans un marché dominé par des importations de longue date. Bref, ce n'est pas gagné, certes, mais certains tentent tout de même le coup, à l'instar d'une trentaine d'exploitants bretons qui ont fait de la culture du thé haut de gamme, leur activité principale.