Les plantes vivaces ont la réputation d’être généralement solides (normal, elles sont vivaces….), et si vous les achetez auprès d’un pépiniériste sérieux, leur reprise est à peu près certaine.

Il n’est donc pas franchement facile de rater sa plantation de vivaces. Mais, rassurez-vous, avec quelques gestes appropriés, tout jardinier raisonnablement doué peut néanmoins rater, presque à coup sûr, ses plantations.

Voici notre guide raisonné, composé de 6 leçons : suivez-le pas à pas, vous ne serez pas déçu !

Leçon numéro 1 : Plantez les vivaces à la mauvaise période.

Il est très facile de planter à la mauvaise période : il suffit d’écouter son instinct, et de planter… quand on a envie d’être dehors, généralement lorsqu'il fait beau et bon au jardin : de juin à septembre dans la moitié nord, et sur une plage un peu plus large au sud. Les grosses chaleurs viendront affaiblir les jeunes plantes déjà énervées par un déménagement depuis leur douillette pépinière.

Les jardiniers chevronnés, ceux qui nous énervent en réussissant tout, plantent les vivaces bien rustiques de fin septembre à novembre et de février à avril. Les plus fragiles, comme les méditerranéennes, sont plantées de mars à début mai : elles s’installent ainsi en douceur, au frais, sans choc thermique ou hydrique, il est presque impossible alors de les rater.

Comme en cette période il n’y a pas de végétation visible, ils font ce geste bizarre de gratter délicatement la surface de la terre pour vérifier la présence d’une souche racinaire bien dure sous la surface et de sortir la motte de son pot pour vérifier que la motte est bien tenue par une structure racinaire saine.

Une variante consiste à planter en plein hiver, de fin décembre à mi-février. C’est une méthode beaucoup moins sûre pour rater : la plupart des vivaces y survivront, tranquillement endormies. Mais si vous choisissez une période de gel dur et des variétés un peu fragiles, vous avez néanmoins des chances non négligeables de réussir à tuer vos plantes si vous avez pris soin de ne pas les pailler.

A noter : cette méthode de plantation en hiver est peu utilisée, car elle suppose de quitter le coin du feu pour affronter la bise, et demande un certain outillage pour casser la couche de terre gelée dans les régions froides de l’est, du nord, ou les régions montagneuses : pioche ou marteau piqueur pour les jardiniers occasionnels.

Et si par mégarde vous avez oublié de respecter cette première leçon, vous pouvez encore vous rattraper en oubliant de marquer l’endroit de plantation : la plupart des vivaces étant non persistantes, elles sont invisibles jusqu’à fin février ou mars ; vous aurez donc l’opportunité de donner un bon coup de bêche en plein sur la souche en retournant votre parterre.

Résumé de la leçon 1 : pour rater correctement les vivaces, plantez-les entre la fin du printemps et le début de l’automne.

Leçon numéro 2 : Plantez les vivaces lorsqu’elles sont en fleurs (si possible forcées).

La nature fait bien les choses : c’est juste au moment où elles sont en fleurs qu’on a envie de planter les vivaces ; et c’est juste le moment où il n’est pas bon de les planter. Il s’agit donc d’un moyen très intuitif de rater sa plantation : mettant toute leur énergie à se parer, ces belles ont tendance, tel un honnête mannequin de mode, à négliger leur alimentation et à vivre sur leurs réserves. Affaiblies, elles auront plus de mal à s’installer au jardin.

Si vous faites le choix judicieux de planter de magnifiques fleurs forcées en serre chaude, telle que vous les trouvez dès mars ou avril dans de nombreuses jardineries ou commerces, vous augmentez considérablement vos chances d’échec. En effet, élevées dans la ouate à 28°C, les plantes vont affronter un choc thermique au moment de la plantation, qui, si les gelées sont tardives, ont de bonnes chances de leur être fatales. Comment reconnaître des fleurs forcées, me direz-vous ? C’est simple : elles ne sont pas (du tout) en fleur dans les jardins du voisinage, et elles sont (un peu) trop belles pour être tout à fait vraies.

Les vieux jardiniers chevronnés, vous vous souvenez, ceux qui réussissent tout, ont la manie désagréable de planter des pots de terre vides (avec des racines en dormance, sous la surface), achetés à de bons pépiniéristes, et, si c'est si énervant, c'est que ça marche.

Mais, on dit ça pour vous consoler, même eux craquent, parfois, devant ces adorables plantes bodybuildées de la jardinerie du coin…

A retenir de la leçon numéro 3 : pour rater à tous les coups ou presque, plantez des vivaces forcées, bien en fleurs.

Leçon numéro 3 : Plantez n’importe où

Un rosier serait si joli pour illuminer ce coin tellement sombre qui ne voit jamais le soleil… ou un bel hosta dans la rocaille sèche, il formerait un si beau contraste avec les cactus dans le jardin de la maison de Saint Raphaël… Bravo ! Comme les rosiers aiment le soleil et les hostas un sol très frais, ils mourront à coup sûr.

Planter n’importe où est la méthode la plus efficace pour rater : à de rares exceptions près, les plantes vivaces ont un biotope défini, en termes d’ensoleillement et de type de terre.

Suivez votre instinct, et ne lisez pas les indications de culture données par l’étiquette ou la notice de culture : exposition et type de sol. Plantez une plante de terre de bruyère en sol calcaire, et elle disparaîtra après avoir lamentablement jauni durant quelques mois. Plantez une vivace de sol frais (un sol frais c’est une terre de sous-bois bien noire ne séchant pas trop même en été) dans de la glaise pure ou dans le cailloutis d’une terre à vigne, et vous aurez à peu près le même effet.

Et si vous souhaitez allonger l’agonie de la plante, ce qui peut être un agréable exercice de sadisme en toute bonne conscience, ajoutez une petite poignée de substrat adapté, un terreau par exemple, à votre terre inadaptée : la plante, ravie de se trouver en terrain connu, commencera une belle installation…. avant de se heurter au milieu hostile après quelques jours ou quelques semaines.

Si vous installez une vivace d’ombre en plein soleil, elle attendra les premières grandes chaleurs pour mourir. Et si vous plantez une vivace de soleil à l’ombre, il y a un risque qu’elle ne meure pas. Par contre, vous interdirez pratiquement à coup sûr une floraison digne de ce nom.

Si vous avez la malchance de manquer d’instinct pour rater (cela peut arriver avec une longue pratique de jardinage), choisissez uniquement des variétés que vous ne voyez pas prospérer dans les jardins alentours.  Privilégiez les variétés admirées lors de votre voyage au Maroc ou en Suède, et plantez-les respectivement à l’ombre fraîche et au soleil sec….

Ne riez pas, nous essayons chaque printemps de dissuader des clients méditerranéens de planter de délicats pavots bleus de l’Himalaya qu’ils ont admiré dans les jardins de tourbière d’Ecosse...

Souvenez-vous de cette leçon numéro 3 :  le mieux est d'acheter au hasard, en fonction de la beauté des fleurs forcées et d'oublier des plantes adaptées au climat, au type de sol et à l'ensoleillement de l’endroit où vous les planterez.

Leçon numéro 4: Ne respectez pas les distances de plantation

En général, les plantes sont livrées avec une indication d’envergure à maturité : par exemple, ←→ à 40 cm

Cela signifie que l’étalement de la plante, à terme, sera d'environ 40 cm, et que, par conséquent, pour obtenir un massif dense, il faut les planter à environ 20 cm de distance les unes de autres.

Pour correctement rater, ne respectez pas les distances préconisées par votre pépiniériste. Collez bien les mottes les une contre les autres, cela fera un très joli effet à la plantation… et fera mourir à terme une bonne partie de vos plantes qui seront bien trop occupées à s’entretuer pour avoir le temps de pousser. Effet indirect : votre conjoint(e) ou autre héritier(e) risque de faire une attaque en calculant le prix au m2 de votre massif... Mais, je vous l'accorde, cela peut être un effet secondaire appréciable, parfois.

Vous pouvez aussi, pour faire des économies, espacer les plantations à l’excès. Cela sera laid, mais en soit ne fera pas mourir vos vivaces, qui seront à l’aise. Alors, notez cette astuce : il suffit de laisser pousser les adventices, comme disent les gens savants : en langage simple, les mauvaises herbes. Elles seront ici chez elles, dans un terrain qui leur convient parfaitement bien et étoufferont rapidement les intruses dans une forme de nationalisme teinté de xénophobie, notamment le premier printemps. Une fois votre vivace installée, elle fera partie du paysage et sera respectée de la flore locale. Ceux qui comme nous ont des ancêtres italiens savent de quoi nous parlons…

N'oubliez pas la leçon numéro 4 : pour rater vos vivaces, il faut planter très dense ou, pour les petits budgets, laisser les mauvaises herbes étouffer vos jeunes pieds correctement espacés.

Leçon numéro 5 : ne vous fatiguez pas à la plantation

L’avantage avec les vivaces, c’est que les pots sont généralement petits ; il suffit donc de faire un petit trou, ce n'est pas trop fatiguant. Et puis, au pire, si vous avez vraiment vu trop court, il suffit de pousser un peu pour faire rentrer la motte. Et hop, tant pis si ça dépasse un peu !

Les jardiniers chevronnés, on ne les présente plus, prétendent qu’il faut faire un trou équivalent à 3 fois la largeur du pot et 2 fois sa hauteur, et même un peu plus pour les variétés à grosses racines ou racines pivotantes, pour que la plante puissent pousser ses jeunes racines dans une terre tendre. Pour la même raison, ils abîment volontairement la plante en défaisant doucement le chignon racinaire (les racines qui sur certaines variétés viennent s’enrouler sur les bords et au fond du godet, et laissent le haut de la motte à ras du sol ou recouvert de quelques millimètres de terre).

Variante pour ceux qui n’ont pas la chance d’avoir un jardin à rater : planter une plante à fort développement racinaire dans un petit pot. Comment les reconnaître ? En général, ce sont celles qui sont les plus hautes à maturité.

Résumé de la leçon numéro 5 :  faites un tout petit trou de plantation et poussez bien fort si la motte n'entre pas.

Leçon numéro 6 : soignez l’absence d’arrosage

Nous aimons beaucoup cette méthode, car elle est spontanée : il suffit de ne rien faire pour l’appliquer. Nous l’avons beaucoup pratiquée, et l’utilisons encore occasionnellement, même si la nature assez pluvieuse de nos Flandres la complique un peu.

Expliquons-nous : une plante sans eau meurt. Pour un cactus, cela peut prendre plusieurs années. Mais pour la majorité des variétés de nos régions, il suffit d’oublier le pot avant plantation durant une semaine au soleil pour faire des dégâts sérieux ou d’oublier l’arrosage les semaines suivant la plantation, surtout s’il fait chaud.

Ne faites donc pas comme les vieux jardiniers, qui après avoir enlevé la motte du pot, la font tremper quelques minutes dans l’eau, et versent ensuite quelques bons litres d’eau sur la plante fraîchement plantée même lorsque la terre est humide.

A noter, cette méthode a une réussite proche de 100% au moment de la plantation, car toutes les vivaces, même celles de terrain sec, ont besoin d’eau à la plantation. Par contre, la méthode devient très aléatoire ensuite : une fois la plante bien enracinée, après 3 à 6 mois, il sera difficile de la faire crever de soif (sauf si vous l’avez plantée au mauvais endroit, voir leçon 3) : une fois son système racinaire développé, elle résistera à votre mauvaise volonté en allant chercher toute seule son eau plus en profondeur.

Une variante intéressante pour les zones très arrosées est la noyade : à l’exception des plantes de bord d’eau, équipées pour le grand bain, les vivaces n’aiment pas avoir des racines plongées durablement dans une terre totalement détrempée. C’est particulièrement vrai pour les plantes de terrain bien drainé (terre qui ne retient pas l’eau, ou il n’y a jamais de flaque même après un gros orage, souvent caillouteuse, sableuse, ou très légère), qui mourront asphyxiées sous un arrosage très régulier et très conséquent en terrain lourd. C’est une technique qui demande plus d’efforts, car il faut penser à arroser très souvent et beaucoup pour vraiment noyer une plante, ce qui est difficilement praticable en climat méditerranéen. En revanche, cela marche comme cerise sur le gâteau si vous avez bien respecté les leçons 3 et 5 en région pluvieuse, terrain lourd, en prenant soin de planter en cuvette, pour aménager une petite piscine.

Le Leçon numéro 6 est simple :  oubliez les arrosages…ou noyez votre plante.

En conclusion

Si vous appliquez raisonnablement bien au moins la moitié de ces conseils, notamment ceux concernant la plantation et l’arrosage, vous devriez réussir à faire disparaître en quelques mois la majorité de vos plantations.

Et, note pour les esprits chagrins qui hausseront les épaules devant ces anti-conseils « évidents » : sont-ils bien certains d’avoir, toujours, planté convenablement la bonne plante au bon endroit à un moment raisonnablement favorable, avec un arrosage adapté ? Qu’ils se manifestent, nous les embauchons. Sur le champ !