Bien loin d’être inerte, le sol abrite de très nombreux organismes, dont la plupart sont d'ailleurs invisibles à l’œil nu. On estime qu'une simple poignée de terre contiendrait entre 10 et 100 millions d'êtres vivants. Or les pesticides qui sont pulvérisés sur les plantes pour lutter contre les parasites et insectes ravageurs ont un fort impact sur ces organismes. Bien qu'il soit connu qu'ils aient des conséquences sur la biodiversité et sur la santé humaine, 55 000 à 70 000 tonnes de pesticides de synthèse seraient encore utilisés chaque année en France. 

Les pesticides regroupent tous les produits phytosanitaires utilisés pour protéger les plantes et lutter contre des organismes nuisibles aux cultures : insecticides (contre les insectes), fongicides (contre les champignons), acaricides (contre les acariens), herbicides (contre les "mauvaises herbes"). Ils sont le plus souvent pulvérisés sur les plantes, et une partie d’entre eux atteint directement le sol. Ceux qui se déposent sur le feuillage peuvent être lessivés avec l’eau d’arrosage ou la pluie, ou se retrouver au sol lorsque les feuilles tombent et se décomposent. Les pesticides peuvent aussi enrober les graines. Enfin, certains pesticides sont intégrés directement au sol sous forme de granules. Or, ils contaminent la terre et ont un impact à long terme.

Pulvérisation de pesticides au jardin

La faune du sol joue un rôle clé dans la fertilité du sol et la santé des plantes

Le sol contient de nombreux organismes : les plus visibles d'entre eux sont les vers de terre et les insectes. Les vers de terre jouent un rôle primordial dans la structure et la fertilité du sol. Ils aèrent celui-ci en creusant des tunnels, ce qui facilite l'enracinement des plantes, permet à leurs racines de mieux respirer, lutte contre l'érosion et améliore l'infiltration de l'eau. De plus, ils décomposent la matière organique, la transformant en nutriments essentiels pour les plantes. On dénombre généralement entre 50 et 400 lombrics par m². Les insectes du sol participent également à aérer le sol et à augmenter sa porosité. Une diminution de leur population peut entraîner une compaction du sol, rendant la culture des plantes plus difficile. 

De nombreux organismes vivants sont invisibles à l'œil nu : ce sont les micro-organismes tels que les bactéries, les champignons, les nématodes… Ils représenteraient 75 à 90 % de la biomasse du sol. Ils permettent la minéralisation de la matière organique : cela rend les éléments minéraux (azote, phosphore, soufre, potassium, magnésium…) assimilables pour les plantes. Ils produisent des molécules organiques qui permettent une meilleure cohésion du sol. Certaines bactéries permettent de stocker l'azote atmosphérique. Ces organismes jouent un rôle clé pour garantir la fertilité des sols. Ils permettent la dégradation de la matière organique… Eux aussi aèrent le sol, permettant une meilleure infiltration de l’eau. Tous ces organismes participent à maintenir les plantes en bonne santé. 

En consommant les débris de plantes (feuilles mortes, racines, etc.), les insectes et les micro-organismes du sol décomposent la matière organique, c'est ce qui permet littéralement de créer le sol, et notamment l'humus. Plus le sol est vivant, plus il sera fertile et nourrissant pour les plantes. Sans eux, la matière organique s'accumulerait. Ces organismes qui se nourrissent de la matière organique sont appelés détritivores. Il s'agit particulièrement des vers, des acariens, des collemboles…  

Impact des pesticides sur les vers de terre

L'impact des pesticides sur la vie du sol

Les micro-organismes du sol, tels que les bactéries et les champignons, sont les premiers à être affectés par les pesticides. Ces petites créatures jouent un rôle essentiel dans la décomposition de la matière organique, la fixation de l'azote et la formation du sol. Lorsque les pesticides sont appliqués, ils peuvent perturber l'équilibre délicat de ces organismes, réduisant ainsi leur nombre et leur diversité.

Concernant les vers de terre, ce sont les insecticides et les fongicides qui ont le plus d'impact sur eux. Ils sont responsables du déclin des populations de vers de terre. 

De nombreux pesticides, même ceux qui sont censés cibler des ravageurs spécifiques, peuvent avoir un impact négatif sur les insectes non ciblés. Beaucoup d’insectes passent le début de leur vie sous terre, sous la forme d’œufs ou de larves (notamment les diptères, comme les mouches, les syrphes, les moucherons…) et sont donc directement touchés lorsque les sols sont contaminés.

De plus, la présence de différents pesticides dans le sol crée un effet cocktail : l’effet combiné des matières actives de ces produits peut soit s’annihiler, soit au contraire être exacerbé, avec un impact décuplé. Ainsi, la présence de plusieurs molécules ensemble crée des effets imprévisibles.  

Les pesticides contaminent la chaine alimentaire, car de nombreux animaux se nourrissent des insectes et des vers de terre, comme bien sûr les oiseaux, mais aussi de petits mammifères comme le hérisson, etc.

En France, la quasi-totalité des sols seraient contaminés par des résidus de pesticides (majoritairement des fongicides et des herbicides). Une étude de l'INRAE portant sur 47 sites français étudiés entre 2019 et 2021, a montré que 98 % d'entre eux présentent au moins une substance. Au total, 67 molécules différentes ont été retrouvées, et le glyphosate compte parmi les plus souvent détectées. Or ces molécules nuisent aux organismes du sol dans plus de 70 % des 2 800 expériences réalisées. Les herbicides à base de glyphosate, par exemple, sont nocifs pour les bactéries et pour les mycorhizes, réduisent la reproduction des vers de terre et forcent les collemboles à remonter à la surface, les rendant vulnérables aux prédateurs.  

Impact des pesticides sur les collemboles
Des collemboles du genre Entomobrya

Comment conserver un sol vivant ?

Pour conserver un sol vivant, vous l'aurez compris, il est important d'éviter d'utiliser des pesticides. Tournez-vous plutôt vers des alternatives plus écologiques : insectes auxiliaires, pièges à phéromones pour capturer certains insectes nuisibles et les empêcher de se reproduire, paillage ou désherbage manuel contre les plantes adventices… Favorisez une importante biodiversité dans votre jardin, en installant des hôtels à insectes, des nichoirs, des abris à hérissons, etc. Nous vous conseillons également d'apporter de la matière organique pour nourrir ces insectes et micro-organismes, et d'éviter de retourner le sol (aérez-le simplement à l'aide d'une grelinette). De même, il est important de pailler pour ne pas laisser le sol à nu : cela permet de le protéger des rayons directs du soleil et de la pluie (érosion).