On a tous en tête des histoires rocambolesques mettant en scène un ou des héros face à de gigantesques et voraces plantes carnivores. Super Mario, Tarzan, Bob Morane ou même Harry Potter ne s'en sont sortis qu'in extremis. Fort heureusement, ce ne sont que des œuvres de fictions. Vous ne risquez rien à vous balader dans une tourbière, ni à passer près des "mâchoires" d'une dionée. Les plantes carnivores sont néanmoins fascinantes et regorgent de petits secrets. Faisons le point sur ces végétaux méconnus. 

Pourquoi devenir carnivore ? une stratégie adaptative avant tout 

Une plante carnivore est une plante capable d'attirer puis de piéger des proies pour les assimiler afin de subvenir à une partie de ses besoins. Les proies peuvent être de toutes sortes : insectes, acariens, arachnides, mollusques, autres invertébrés et même plus rarement... des batraciens, des reptiles, de petits mammifères ou des oisillons (rassurez-vous ce ne sont que des cas très rares et isolés et uniquement dans les forêts tropicales !). 

Les plantes carnivores font, comme tous les végétaux, la photosynthèse : elles synthétisent des matières organiques grâce à l'énergie lumineuse en absorbant le gaz carbonique (et de l'eau !) et en rejetant de l'oxygène.  On pourrait donc se dire que les plantes carnivores n'ont pas besoin... d'être carnivores. Et pourtant. 

Cette stratégie est une adaptation de certaines plantes à des milieux très pauvres en Azote et en Phosphore : tourbières chez nous, flanc de rocher, épiphytes sur les arbres dans les forêts... Les proies capturées ne sont alors qu'un apport supplémentaire de nutriments que le sol et la photosynthèse ne sait pas apporter à la plante. 

Remarque : il existe ce que l'on appelle des plantes pré-carnivores. Ces plantes capturent leurs proies mais ne les assimilent pas encore. Il leur faudra des milliers d'années d'évolution avant d'y arriver. Selon certaines recherches, la cardère ou Cabaret des oiseaux pourrait être une pré-carnivore. Les botanistes n'en sont pas encore certains... À suivre. 

Superbes Sarracenia

Des pièges bien pensés et efficaces

Dans un premier temps, la plante carnivore va attirer sa proie par l'émission de composés volatils en imitant les phéromones sexuelles de certains insectes. Pour les autres types de proies, c'est le plus souvent dû à une chute de la bestiole dans le piège. 

Les pièges ne sont que des feuilles transformées : en outre chez les utriculaires, en urne chez les népenthès, en mâchoires chez les dionées, en poils gluants et collants chez les Drosera... 

Il existe deux types fondamentaux de pièges :

  • Les pièges actifs... qui se referment sur leurs proies : on y retrouve les pièges à mâchoires, les feuilles poilues qui s'enroulent autour de la proie, les outres à la surface de l'eau qui "aspirent" les proies... 
  • Les pièges passifs... qui attendent que quelque chose tombe dedans : les urnes, les nasses, les pièges à glu, le centre des feuilles... 

Remarque : ne jouez pas trop à faire refermer les pièges de types mâchoires car cela fatigue la plante. Certaines "bouches" peuvent faire des sortes d'indigestion, elles deviennent alors complétement noires puis meurent. 

Les fameux pièges de la Dionée et les poils glanduleux d'un Drosera spatulata

Des plantes carnivores dans mon jardin ? 

Mais oui, c'est possible ! En choisissant judicieusement les espèces et en leur fournissant tout ce dont elles ont besoins. 

Vous avez deux solutions pour cultiver des plantes carnivores à l'extérieur au jardin : en tourbière ou en pot. Pour faire simple, une tourbière est une partie du jardin qui sera creusée à une profondeur d'une trentaine de centimètres environ puis remplie d'eau et de tourbe blonde pure. Si vous optez pour un pot, le substrat sera constitué à moitié de tourbe blonde et à moitié de sable. Ne négligez pas les arrosages ! 

La plantation se fait au printemps quand il n'y a plus de risques de gel. N'apportez jamais d'engrais car ce sont des plantes qui n'apprécient pas cela (elles préfèrent plutôt un insecte de temps en temps...) !

Voici une courte sélection de plantes carnivores pour le jardin : 

  • Darlingtonia californica ou Plante-Cobra : une plante qui ressemble à un serpent dressé et qui n'apprécie pas trop la chaleur. Pour la mi-ombre, résiste à -10 °C ;
  • Sarracenia sp. ou Sarracénies : un classique aux belles urnes dressées. Pour le soleil ou la mi-ombre, résiste à -15 °C ;
  • Pinguicula grandiflora et Pinguicula lusitanica ou Grassettes : plantes aux feuilles couvertes de poils glanduleux formant de petites rosettes. Pour l'ombre ou la mi-ombre, résiste à -10 °C ;
  • Drosera sp. ou Rossolis : plantes aux feuilles colorées recouvertes de poils glanduleux. Pour le soleil, résiste jusqu'à -20 °C en fonction de l'espèce ; 
  • Drosera capensis : plante aux feuilles linéaires très décoratives. Hélas le Drosera est gélif mais... il se ressème plutôt bien. Pour le soleil ou la mi-ombre, il craint le gel.  
  • Dionaea sp.  ou Dionées : seule la Dionaea muscipula, aux mâchoires caractéristiques, peut être cultivée au jardin car elle résiste à -12 °C. Les autres dionées devront être hivernées en serre froide avant un retour au jardin à la bonne saison. Pour le soleil. 

Si vous n'avez pas de jardin ou que vous ne désirez pas y créer une tourbière, vous pouvez aussi cultiver des plantes carnivores en intérieur. L'une des plus célèbres et probablement la plus facile à cultiver dans nos intérieurs secs et surchauffés est le népenthès. C'est une plante carnivore munie de grosses urnes colorées et pendantes. Le népenthès apprécie la chaleur, la lumière et beaucoup d'humidité dans l'air. Derrière la fenêtre de la salle de bain, elle y sera parfaitement à sa place. 

Les plantes carnivores sont menacées !

Les raisons de la disparition des plantes carnivores sont les mêmes que d'habitude...

  • Destruction d'habitat : par la déforestation, l'eutrophisation des milieux aquatiques (déséquilibre par accumulation de nutriments) et la destruction des tourbières pour l'exploitation ;
  • Pollution : en premier lieu la pollution des sols mais n'oublions pas aussi l'empoisonnement aux métaux lourds (Cuivre, Cadmium, Plomb...) des insectes et des autres proies ; 
  • Raréfaction des proies : les populations d'insectes et des autres invertébrés se réduisent fortement au niveau mondial. Plus de proies... plus de plantes carnivores (ce ne sont évidement pas les seuls organismes vivants à en pâtir...) ; 
  • Collectionnite aiguë : cela peut paraitre plus anecdotique mais bon nombre de colonies de plantes carnivores sont dévastées par certains collectionneurs sans scrupules qui les déplantent pour les garder chez eux ou... en faire commerce. Toutes les plantes carnivores européennes sont protégées. Si vous aimez les plantes carnivores, faites une jolie photo ou adoptez des espèces reproduites de façon horticole. 

Quelques faits étonnants...

  • On a décrit plus de 700 espèces de plantes carnivores dans le monde. Mais on en découvre chaque année des dizaines de nouvelles espèces ;
  • Dans l'évolution, le carnivorisme a évolué sous 5 genres botaniques foncièrement différents et sans lien génétique. De plus, certaines pré-carnivores sont toujours "en chemin" vers le carnivorisme pur. C'est assez étonnant de s'imaginer que cette stratégie adaptative a été adoptée par plusieurs types de plantes comme si c'était la meilleure solution envisageable pour pallier un manque de nutriments. De là à dire que toutes les plantes deviendront, à terme, carnivores, il n'y aurait qu'un pas que je ne franchirai certainement pas, rassurez-vous ! 🙂 ;
  • Dans leurs milieux naturels, certains Nepenthes, parmi les plus gros, peuvent "manger" des souris, des geckos, des oisillons... (mais rien d'aussi gros qu'un héros de romans ou de films d'aventure) ;
  • Les premiers soupçons de carnivorisme chez certaines plantes datent du XVIIIe siècle mais c'est Charles Darwin qui le démontrera scientifiquement en 1868