Cette année, fin janvier, alléchée par un dépliant touristique, j'ai eu envie d'aller faire un petit tour sur la route du Mimosa. À Cavalaire-sur-mer, cela commence par un parfum qui ressemble à celui de la violette. Plus subtil, plus miellé et poudré, son intensité le rend presque palpable. Quelques secondes plus tard, nous entrons dans un décor de carte postale : entre bleu azur et jaune soleil, la ‘route du mimosa’  traverse une forêt nimbée d’or. On nous avait pourtant prévenus : « aujourd’hui, sur 130 km, cette Route du Mimosa, devenu symbole de la Côte d’Azur, s’étend de Bormes-les-Mimosas à Grasse ». À droite et à gauche, à flanc de colline, sur les talus, dans les fossés, partout se dressent d’imposants spécimens d'Acacia dealbata retournés à l’état sauvage.  Sous leurs frondaisons poussent… devinez ! Des petits Eucalyptus aux feuilles d’un gris bleu poudré. Nous sommes (presque) en Australie, à 2 heures de vol de Paris, à 2 heures 30 en voiture de chez moi !

La route du Mimosa - Tanneron - Photo : routedumimosa.com

Mimosas, Eucalyptus, Melaleuca, Leptospermum, Callistemon et autres plantes australiennes ont investi la Riviera sous l’impulsion de riches résidents anglais au 19ème siècle. Elles s’y sont tellement plu qu’elles sont devenues invasives, du moins en ce qui concerne les Acacia et les Eucalyptus.

À propos, on m'a expliqué que si le mimosa australien fleurit en plein hiver, c'est uniquement parce qu’il ne s'est jamais remis du changement d'hémisphère. La plante, qui a de la mémoire, s’obstine à fleurir au moment de l'été austral !

Une floraison hivernale somptueuse

À  cette orgie d’or et de parfums succèdent les retrouvailles avec mon jardin de la Provence intérieure, rude, sèche et venteuse. L’ombre portée des grands cyprès qui bordent la voie communale m’attriste toujours un peu en hiver, mais plus particulièrement aujourd’hui. Comme par réflexe, je cherche du regard un arbuste de trois ans qui dépasse déjà deux mètres de hauteur. À droite, adossé à la terrasse, comme une réminiscence de la « côte », mon mimosa s’apprête à fleurir en grande pompe. Il s’apprête, il voudrait bien, mais ses innombrables boutons de fleurs attendent pour s’ouvrir en pompons d’or que les températures remontent. Et il ne fait pas chaud en ce moment.

Mimosa sur le point de fleurir

Cette branche est couverte de fleurs mais elles sont encore fermées. Si les températures remontent un peu, ce sera magnifique !

Le Mimosa : un fantasme végétal

Je voulais un mimosa dans mon jardin. Cet arbuste représentait pour moi, comme c’est le cas pour beaucoup de gens qui viennent du « nord », un fantasme végétal. Pourquoi pas le mimosa des fleuristes ou l’une de ses variétés 'Gaulois Astier' si parfumées ? Pourquoi pas le mimosa des quatre saisons, qui fleurit toute l'année ? Je crois qu’ils sont simplement trop connus pour satisfaire ma curiosité.

J'avais jeté mon dévolu sur l’Acacia baileyana ‘Purpurea’ : pas trop grand, exceptionnellement coloré, relativement rustique pour un mimosa, c’est une plante de rêve. Il m’avait tapé dans l’œil sur le site internet du spécialiste français du genre. Dommage, il était indisponible à ce moment- là. Qu’à cela ne tienne, le mimosa de Bailey tout simple n’est pas mal non plus. Il est même très séduisant, jugez un peu :

Mon Mimosa de Bailey

Le Mimosa de Bailey ou Acacia baileyana

Ornemental en toutes saisons, ce petit arbre possède un feuillage d’une rare élégance : ciselé comme de la dentelle fine, il est d’un gris bleuté d’Eucalyptus, reflète magnifiquement la lumière et retient les gouttes de pluie et de rosée comme savent le faire si joliment les alchémilles.

Son port est dressé, mais très souple, et sa croissance express.

Sa floraison hivernale, légèrement parfumée, est remarquablement abondante et son coloris jaune d’or forme une association éblouissante avec la teinte du feuillage.

Il est capable de résister à des gelées de -8 °C, ce qui me permet d’espérer quelques années de bonheur avant qu’une vague de froid sévère (nous en avons de temps en temps), vienne mettre un terme à son existence. Dommage qu’il soit greffé sur un mimosa des quatre saisons, moins rustique, mais résistant au sec et indifférent aux sols calcaires comme l’est celui de mon jardin. J’emmaillote simplement l’hiver cette précieuse « béquille » qui nourrit mon « petit » mimosa.

Mimosa et cochenille

Au terme de cet éloge, vous allez peut-être vous demander s’il a des défauts : la réponse est oui. Ou, plus exactement, je lui ai découvert une faiblesse : sa belle amie la cochenille australienne, autrement nommée Icerya purchasi.

Potelée à souhait, blanche, moelleuse et cotonneuse, parée de longs filaments blancs et rebrodée de rouge brique, elle aime passionnément ce mimosa et le suivrait jusqu’en enfer. Elle m’est apparue l’été dernier, dans toute sa laideur. Pour lutter contre sa prolifération, je m'astreins à un examen minutieux de l’arbuste (et de ses voisins)  à chaque passage dans le jardin. Suivi d’une cueillette à la main lorsque c’est nécessaire. C’est assez efficace, à défaut d’être agréable. Je pourrais aussi inviter à un festin son ennemie jurée la coccinelle australienne Rodolia cardinalis.  Déjà utilisée avec succès dans les vergers d’agrumes californiens au 19ᵉ siècle, il paraît qu’elle ne se nourrit que de cette cochenille. Contrairement à sa cousine la coccinelle asiatique, elle ne représenterait donc aucun danger pour nos insectes indigènes (cf info INRA). Seul problème : cette bête à bon Dieu vaut de l’or. À la vente, son prix avoisine 65 € les 25 individus, soit  2,60 € la larve ! Un véritable luxe, et un gros investissement pour un(e) jardinier(ère) du dimanche…

Le genre Acacia : un monde à explorer

Riche de plus de 1200 espèces, le genre Acacia est loin d’avoir dit son dernier mot. Si les pépiniéristes producteurs se sont plutôt intéressés aux espèces australiennes jusqu’à présent, ils commencent à prospecter parmi les mimosas sud-africains et américains. Les Australiens, majoritairement de terres acides, peuvent être cultivés sur leurs propres racines dans nos jardins bretons, corses ou landais par exemple, lorsqu’ils sont assez rustiques. Ceux qui sont originaires de régions montagneuses où il neige et gèle le sont assurément.

Certains Acacias poussent spontanément sur des sols calcaires. En croisant ces caractéristiques, il devrait être possible d’acclimater d’autres espèces, non greffées, dans toute la zone de l’olivier. En pot ou en pleine terre, voilà de quoi alimenter tous nos fantasmes jardinesques…

Mais nous en reparlerons plus longuement une autre fois.

Vous aimez les mimosas : un peu, à la folie, passionnément, pas du tout ? Vous les cultivez avec succès ? Vous avez des déboires ? Partagez votre expérience avec notre communauté de jardiniers !