Ah, la Normandie et la Bretagne ! Terres de cidre, de crêpes, et… de palmiers ? Si vous vous attendiez à voir des moutons broutant tranquillement sous un ciel couvert, il se pourrait que vous soyez surpris par l'évolution des jardins dans ces régions. Car voilà, le changement climatique est en train de bouleverser la carte postale traditionnelle de nos belles régions du Nord-Ouest. Comment, face à ce bouleversement, nos jardins se transforment-ils, s'adaptent, et parfois, font de la résistance ? La Bretagne et la Normandie seraient-ils le nouvel eldorado des cactus ? On espère que non !

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Un jardin normand luxuriant, soumis désormais lui aussi au dérèglement climatique

Entretien avec Michaël Lebret

Vous connaissez peut-être Michaël. Ce dernier a en effet rédigé pas mal d'articles chez Promesse de Fleurs et intervient même dans quelques vidéos. Mais, il se qualifie surtout de « couteau suisse » chez nous tant ses compétences et ses rôles sont multiples. Son jardin, autrefois ouvert au public, le Clos du Coudray, se situe à Etaimpuis au Nord de Rouen, soit en Normandie, mais relativement proche de la Bretagne. Nous avons donc questionné Michaël sur le sujet qui nous importe aujourd'hui : comment réagissent le jardin et le jardinier face aux changements climatiques ?

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Michaël Lebret et son Jardin le Clos du Coudray (© Michaël Lebret)

Olivier : Bonjour Michaël, on va directement entrer dans le vif du sujet : y a-t-il des plantes que tu ne peux plus cultiver ?

Michaël : Bonjour Olivier, alors... Bonne question. Des changements j'en ai noté pas mal oui ! Je commencerai déjà par les Primevères à étages et les Meconopsis.  Autrefois nous avions l'une des plus grosses collections de primevères asiatiques et de méconopsis (comme le pavot bleu de l'Himalaya) et ils se ressemaient même facilement au jardin. Ça fait bien 10 ou 15 ans qu'on ne peut plus les cultiver. Pour voir des méconopsis bleues en Europe, il faut désormais remonter jusqu'en Scandinavie.

Olivier :  Et quel est le souci ? Le manque d'eau ?

Michaël :  Oui, tout à fait. Et il y a d'autres exemples. En gros, toutes les plantes asiatiques d'altitude (au-delà de 3500 m, qui ont besoin d'une forte hygrométrie l'été et poussent « dans les nuages ») sont devenues difficilement acclimatables. Idem pour les Rhodododendrons à grandes feuilles type Rhododendron sinogrande ou Rhododendron macabeanum... Et pareil avec des arbres comme le Davidia ou le Cercidiphyllum qui souffrent cruellement des manques d'eau répétés en été. On retrouve le même souci avec les Hydrangeas, notamment H. serrata et H. aspera. Les seuls qui s'en sortent encore bien chez moi ce sont les Hydrangea macrophylla, H. arborescens et les H. quercifolia. Il y a aussi une multitude de vivaces japonaises qui ont du mal à pousser comme les épimediums caducs (tous les Epimedium grandiflorum), certains Corydalis, les Rehmannia...

Olivier :  Et c'est sans compter les gelées tardives au printemps... Rencontres-tu des soucis à ce niveau ?

Michaël : Ne m'en parle pas ! C'est un autre problème rencontré depuis une bonne dizaine d'années maintenant. Étant donné qu'il ne gèle pratiquement plus l'hiver (ce qui d'ailleurs permet d'acclimater beaucoup de plantes plus frileuses), une multitude de ligneux débourrent très tôt au printemps. Tant et si bien que les jeunes pousses de feuillage ou certaines floraisons sont fortement abîmées par le gel, exemple les Kiwis, Paulownia, Catalpa, Gunnera, les hortensias en général, notamment les Hydrangea involucrata.

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Primevères japonaises, Hydrangea serrata, Gunnera... les plantes aux besoins importants en eau souffrent énormément...

Olivier : La solution ne serait-elle pas de se ré-intéresser aux plantes indigènes ? 

Michaël : hélas, certaines d'entre elles souffrent aussi. Par chez moi, les hêtres forment les clos masures et sont donc plantés sur talus. Ils souffrent cruellement des manques d'eau répétés, surtout les vieux sujets qui meurent avant l'âge. Idem avec les charmes dont les feuilles sèchent et tombent de plus en plus précocement. Cela devient compliqué... 

Olivier : Merci pour ton témoignage, Michaël !

Michaël : pas de souci. A bientôt ! 

Et chez vous en Bretagne et en Normandie ?

Nous venons de faire un petit tour d'horizon d'un jardin normand face à ce climat qui ne cesse de nous surprendre (et rarement en bien...). Du pommier qui fait grise mine au palmier qui prend ses aises, les transformations sont là, sous nos yeux. Mais, après tout, le jardinage, c'est aussi une histoire d'adaptation, n'est-ce pas ? N'hésitez pas à partager vos observations et expériences en commentaires. Qui sait, vous pourriez avoir déniché LA plante résistante que tout le monde recherche, ou une astuce infaillible pour préserver nos traditionnels géraniums. À vos claviers, chères jardinières et chers jardiniers de Normandie et de Bretagne ! Votre expertise est plus précieuse que jamais.

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