Il y a quelques semaines, je commençais à vous parler de mon voyage à la Réunion. Voici la suite de mon périple !

Parmi les nombreuses plantes épiphytes, les Orchidées y sont plutôt bien représentées. On dénombre environ 150 variétés d’Orchidées terrestres  et épiphytes, dont une cinquantaine endémiques à la Réunion.

La plus connue de toutes, bien sûr, la Vanilla planifolia, est utilisée pour produire la vanille à la Réunion. La multiplication se fait par bouturage, il faut attendre ensuite 3 ou 4 ans avant qu’un pied de vanille donne ses premiers fruits (l’espérance d’un vanillier est d’une dizaine d’années)

Plante hermaphrodite, dans son pays d’origine, le Mexique, la fécondation est assurée par une petite abeille (la melipone). Absente à la Réunion, la pollinisation est donc effectuée manuellement. La fleur est éphémère et doit être fécondée le jour même. Floraisons et pollinisations sont assurées de début septembre à fin décembre.

La base de la fleur est saisie en plaçant son index sous le gynostène appelé aussi la tête, on déchire avec une aiguille de bois la corolle dit "le jabot" afin de mettre à découvert les organes sexuels. On soulève la valve ou languette supérieure de l’organe femelle, on la relève afin de la redresser et la cacher sous l’organe mâle ou étamine, on aide cette inclinaison avec le pouce en exerçant une petite pression pour amener le pollen au contact du stigmate, la fleur est ainsi fécondée.

Ce geste simple a été découvert à la Réunion au milieu du 19ième siècle par un jeune esclave, Edmond  Albius, recueilli et initié par son maître après la mort de sa mère. Ce procédé est toujours utilisé de nos jours. Il a été le geste fondateur de toute l’industrie de la vanille à travers le monde.

Plantation de vanille traditionnelle en milieu naturel, ici à Sainte-Rose, La villa Bourbon, au sud-est de l’île. La plupart des arbres sont utilisés comme support.

La Jumellea fragrans ou "faham" et dans la même famille la Jumellea triquetra, l’ Angraecum eburneum au parfum enivrant, mais aussi l'Angraecum bracteosum, l'Angraecum mauritianum et la très odorante Beclardia macrostachya.  D'autres espèces moins communes mais aux formes surprenantes sont aussi à admirer de novembre à mars : la Cirrhopetalum umbellatum, l'Aeranthes arachnites et l'Aeranthes strangulata.

Jumellea triquetra - Jumellea fragrans - Angraecum eburneum

A propos d’orchidées, le jardin botanique de Mascarin à St Leu, a vu fleurir en février 2017, après 6 ans de patience, la plus grande Orchidée du monde

Grammatophyllum Speciosum ou orchidée tigre

La médiatrice scientifique et culturelle à Mascarin, Jardin botanique de La Réunion m'a expliqué, à propos de cette orchidée originaire d’Asie : "Sa particularité est la taille de la florescence qui peut atteindre 3 m, et aussi ses bulbes qui sont aussi impressionnants, qui peuvent peser jusqu’à plusieurs kilos. En 1851, à l’Exposition Crystal Palace de Londres, a été présenté un exemplaire faisant près de 2 tonnes !"

Les orchidées originaires de Madagascar sont un bel exemple d’endémisme à la Réunion. Les semences de celles-ci, portées par le vent, se sont dispersées, adaptées et transformées.

Certaines d’entre elles font preuve d’adaptation tout à fait originale, Anraecum striatum Thouars est allée encore plus loin. En effet, cette Orchidée est fortement liée aux papillons sphinx de l’ile de Madagascar, par la longueur de son éperon, de taille extravagante (30 cm). De ce fait, seul ce papillon muni d’une trompe de longueur comparable (dont la trompe s’enroule sur elle-même) est susceptible d’avoir accès au nectar de cette fleur.

Ce papillon, absent sur l’île de la Réunion, elle s’est alors tournée vers la faune locale disponible, en réduisant et modifiant la longueur de son éperon et en modifiant l’émission de son odeur. Elle est aujourd’hui la seule orchidée au monde à être pollinisée par un oiseau (du genre Zosterops, lui même endémique à l’ile de la réunion). Ceux-ci prélèvent involontairement du pollen qui reste collé sur leur bec et pollinisent ainsi la fleur suivante.

A propos de cet oiseau, Zosterops borbonicus dont les ancêtres seraient venus de l’archipel indonésien : cette espèce s’est répandue dans presque tous les milieux de l’île, et a développé, phénomène unique à  une  si  petite échelle,  de fortes variations morphologiques. Quatre « morphes » se  partagent le territoire avec un très faible recouvrement, si ce n’est pour deux d’entre eux, et une remarquable et étonnante stabilité des frontières qui les séparent.

L’Orchidée est dans le monde végétal ce que l’homme est dans le monde animal : Le summum de l’évolution

Et que dire de cette autre  transformation tout aussi surprenante ! L’Orchidée Angraecum cadetii, originaire elle aussi de Madagascar et pollinisée aussi par un  papillon sphinx. La plante a utilisé une autre stratégie. Elle a recruté un autre pollinisateur, et quel pollinisateur ! Les chercheurs, intrigués ont cherché  jour et nuit (en utilisant des caméras placées devant les fleurs ouvertes) et ont fini par trouver ! Surprise ! Ces enregistrements ont montré que, seule une sauterelle appartenant au genre Glomeremus était capable de déplacer (retirer et déposer) les pollinies (petits globules contenant le pollen) de cette orchidée. Cette sauterelle nocturne est endémique de l’île de la Réunion et par conséquent, elle est aussi nouvelle pour la science. Angraecum cadetii est donc aussi, la seule Orchidée au monde à être pollinisée par une sauterelle.

C’est même très étonnant quand on sait que  les grillons sont plus connus comme étant de redoutables ennemis des végétaux !

Le taux d'espèces endémiques est comparable à celui de territoires plus connus, tels qu'Hawaii ou les Galapagos. Les scientifiques ont ainsi dénombré près de 600 espèces de plantes indigènes, plus de 240 fougères différentes, sans parler des innombrables mousses. Relativement pauvre en vertébrés (les deux tiers des espèces ont disparu), l'île regorge d'oiseaux, de papillons et de coléoptères endémiques.

Hedychium gardnerianum cousin du gingembre est originaire de l’himalaya. Son pouvoir invasif est fabuleux ici. Il est pratiquement impossible à éliminer, on en trouve même sur les arbres !

Malheureusement, parmi les nombreuses plantes introduites à la Réunion, pour leur intérêt alimentaire, artisanal ou ornemental, certaines ont échappé au contrôle des hommes

Quelques "pestes" végétales…

La reine des envahissantes : Rubus alceifolius (raisin marron) Rosaceae
Sa feuille imitant la vigne permet de bien la reconnaître, mais ce sont surtout ses épines qui laissent de bons souvenirs ! J’ai donné ! Equivalent à nos ronces chez nous. Fleurs et fruits ressemblent à nos framboisiers.

La reine des envahissantes : Rubus alceifolius (raisin marron) Rosaceae

Ulex europaeus ( ajonc d’Europe) Fabaceae

Arbuste épineux pouvant atteindre 2 m de hauteur. Sédentarisé en altitude, il fait actuellement l'objet d'un contrôle intensif au Maïdo.

Ulex europaeus ( ajonc d’Europe) Fabaceae

Près de 5000 espèces végétales exotiques ont été introduites (quelquefois à grande échelle comme les 3000 ha de Cryptomeria du Japon (Cryptomeria japonica) plantés par les forestiers) dont plus de 1000 sont maintenant naturalisées et plus de 200 sont considérées comme envahissantes et menacent directement les espèces natives et les habitats.

Du côté des animaux, les rats (Rattus rattus et Rattus norvegicus) et les chats harets sont particulièrement destructeurs et  menacent aujourd’hui de disparition 3 espèces d’oiseaux  strictement endémiques, le Pétrel de Barau (Pterodroma baraui), le Pétrel noir ( (Pterodroma macroptera) et l’Echenilleur de La Réunion appelé aussi Tuit-tuit (Coracina newtoni). J’ai  effectivement pu m’apercevoir de la présence de chat haret, ayant été moi-même été suivi pendant un long moment par un de ces chats lors d’une de mes randonnées en pleine forêts de Bélouve.

La forêt de bois de couleurs des bas, de moyenne altitude est un écrin de biodiversité organisée autour de grands arbres endémiques remarquables, né sur des coulées de lave qui s’épanchaient en ces lieux il y a moins de cinq cents ans. Parce qu’elle est rare et bien conservée, elle fait partie depuis 2010 des ‘’Pitons, cirques et remparts’’ de l’île, inscrits au patrimoine mondial. Parmi eux, le bois de pomme se dresse puissamment sur ses empattements élégants, le bois de rempart  et son écorce rougeâtre signe son lien  avec la terre de volcan.

La forêt de bois de couleurs des bas

Forêt dysharmonique aussi, parce que essentiellement constitués de végétaux qui, naturellement ont été capables d’effectuer de très longues distances aidés par le vent, les oiseaux, l’Océan, de s’implanter et voir, d’évoluer,  au point d’en être pour certains d’entre eux,  endémiques à la Réunion

Cossinia pinnata Com.ex Lam.  Bois de judas (Sapindaceae). Endémique des Mascareignes. En voie de disparition

Poupoartia borbinica J.F Gmel. Bois blanc-rouge  et Gastonia custispongia lam.  (Araliaceae) Bois d’éponge, son écorce et ses branches sont de consistance molle. En danger d’extinction

Pittosporum senacia Putt. Bois de joli cœur (Pittosporaceae) Tient son nom de ses prétendues vertus aphrodisiaques, utilisé à La Réunion pour soigner la fièvre, les crises nerveuses, l’asthme, les rhumatismes, l’angine, les maladies vénériennes. Originaire Seychelles, Madagascar, Réunion, Maurice. Une autre espèce, Pittosporum senacia reticulatum à feuilles à marge non ondulée est endémique de la Réunion

Le gros l’affouche  ou Figuier étrangleur  Ficus densifolia (Endémique de la Réunion)

Espèce peu commune et menacé d’extinction, il est cependant aujourd’hui en augmentation à la Réunion. Un seul sujet a été répertorié sur l’île Maurice.

Les ficus présentent la caractéristique d’être pollinisés grâce à l’intervention d’une guêpe minuscule, un hyménoptère qui appartient à la famille des Chalcidoidea. Ces guêpes sont toujours associées aux ficus, en étant souvent les pollinisateurs exclusifs. Ces petits insectes percent la paroi des sphères accrochées aux branches (réceptacles floraux contenant plusieurs centaines de futures fleurs : les Figues en fait !) pour y pondre. Les oiseaux gourmands transporteront les graines dans les airs et... C’est ainsi que les figuiers étrangleurs ont appris à ce déplacer et a voler !

Selon les scientifiques, ces ficus constituent un composant fondamental de la forêt tropicale, étant essentiels pour les frugivores, à tel point que certains considèrent ce genre comme la clé de voûte de beaucoup d’espèces. Un programme de réhabilitation, de protection et même de plantation pour le Ficus densifolia est étudié de manière à apporter  le soutien nécessaire aux communautés d’oiseaux qui se nourrissent de leurs fruits.

Le gros l’affouche  ou Figuier étrangleur  Ficus densifolia (Endémique de la Réunion)

Une graine tombée du ciel est arrivée sur cette roche. Elle s’est accrochée, développée grâce à la lumière et l’eau. Son seul objectif : gagner le sol grâce à ses racines aériennes.

Les années passent et le système racinaire se développe finissant par enserrer totalement son support, (ici une roche, mais ça aurait pu être un végétal qui serait mort étouffé)

Cryptomeria japonica (Photographiés ici dans le cirque de Salazie)

Le Cryptomeria japonica a été introduit à La Réunion à la fin du XIXe siècle.

Dans les années 1950, il est utilisé comme essence de reboisement en raison de son adaptation aux sols volcaniques, au climat montagnard et aux vents cycloniques.

On trouve des cryptomerias sur toute l'île de La Réunion, surtout dans les cirques. Il est exploité pour l’industrie du bois : coffrage, charpente, ameublement…

Randonnée dans le cirque de Cilaos. Forêts de cryptoméria appréciés des réunionnais qui viennent y chercher la fraîcheur durant la saison chaude. On peut apercevoir  l’étendu de  Hedychium coccineum

La suite au prochain épisode...