Nous sommes, en Occitanie, à quelques kilomètres des plages de Méditerranée. En ce samedi 3 juillet 2021 peu après midi, je vois un panache de fumée au-dessus du massif forestier tout proche. Il fait très chaud, la sécheresse s'est installée depuis de longues semaines et le vent souffle en rafales, mauvais tout ça...

Effectivement, un incendie s'est déclaré à quelques kilomètres, en pleine zone de garrigue et prend rapidement de l'ampleur. Toute la journée et durant la soirée, habitants et vacanciers suivront la progression flammes vers certaines habitations, la mer et ses stations balnéaires, et verront le panache de fumée devenir un énorme rideau noir et opaque. 

Bilan quelques jours plus tard : plus de 300 hectares de végétation ont été ravagés par les flammes. Un désastre, une plaie béante dans ce merveilleux massif naturel si préservé, dominant la Méditerranée. 

Un plus tard, je me suis rendue sur les lieux, afin de voir comment la nature renaît de ses cendres, petit à petit... La végétation repousse-t-elle après un incendie et est-elle la même qu'avant ? Il faudra à coup sûr de longues années pour pouvoir répondre à cette question. 

incendie de forêt nature
Quelles sont les conséquences des incendies sur la végétation et l'environnement ?

Le massif avant le passage des flammes

De l’occitan « Clapas » qui signifie « tas de pierres », le Massif de la Clape, moins connu que les grands Massifs méditerranéens des Maures ou de l'Esterel par exemple, est un site classé depuis les années 70, répertorié site Natura 2000 et Espace Naturel Sensible pour la richesse de sa biodiversité.

Mêlant plateaux calcaires de garrigue, vallées boisées, falaises et vignes, le massif de la Clape possède un relief tourmenté et recèle une flore typiquement méditerranéenne. Il abrite notamment, parmi 37 espèces végétales ayant un fort intérêt patrimonial, la très rare Centaurée de la Clape (Centaurea corymbosa), plante endémique qui n'existe nulle part ailleurs. Il accueille également des espèces d'oiseaux particulièrement remarquables comme l'Aigle de Bonelli qui compte seulement une trentaine de couples en France, et le hibou Grand-Duc. Ses cavités servent d'abri à de nombreuses populations de chauve-souris et l'une d'elles fait l'objet de fouilles archéologiques ayant permis de mettre à jour des vestiges préhistoriques. Voilà donc 15 000 hectares de cette nature préservée, petit bijou entre terre et mer, en partie dévasté par un incendie d'origine humaine.

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Pistachiers lentisques, Centaurée de la Clape, Aphyllantes de Montpellier et Pins d'Alep composent, entre autres, la flore de ce massif forestier du pourtour méditerranéen

Un patrimoine naturel parti en fumée

En revenant sur les lieux de l'incendie 1 an plus tard, l'impression est saisissante lorsqu'on suit la route serpentant parmi les collines calcaires : des silhouettes d'arbres calcinés, d'un noir profond, se détachent de façon fantomatique sur le blanc des pierres et le vert de la végétation au ras du sol, qui reprend péniblement ses droits. Quelques timides cigales se font entendre, mais c'est le seul son audible : les oiseaux semblent avoir déserté ces tristes lieux.

On voit clairement que les flammes ont embrasé tous les arbres alentour, principalement des Pins d'Alep, des chênes verts et des chênes Kermès ainsi que des arbousiers. Je me souviens aussi que quelques cyprès ponctuaient le paysage et que des amandiers et Arbres de Judée égayaient le printemps de leurs floraisons précoces. Côté strate arbustive, les genévriers rouges (Juniperus phoenica), Pistachiers lentisque, Filaires et Cistes ont, eux aussi, été dévastés par le feu, et peut-être des orchidées rares comme l’Ophrys bombyliflora ou l’Ophrys speculum. Disparus les romarins et les thyms, tout comme la germandrée, la férule et le buplèvre. Disparus aussi l'aphyllante de Montpellier, la coronille glauque et le sedum sediforme qui affectionnent particulièrement ces zones pierreuses.

Il faudra plusieurs décennies pour que les plantes - et espèces d'animaux - typiques recolonisent le terrain. En raison des changements climatiques, on peut penser que seules les essences d'arbres et de plantes qui repousseront seront les plus adaptées à un climat semi-aride.

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Le paysage porte les stigmates du passage de l'incendie... combien de temps la nature mettra-t-elle pour reprendre ses droits ?

Quels sont les premiers végétaux à reprendre vie ?

Le feu a toujours fait partie des écosystèmes méditerranéens. Des végétaux se sont adaptés pour y résister et même en tirer parti. Aujourd'hui, le sol est tapissé de repousses de chênes Kermès (Quercus coccifera). Ces arbustes épineux, habituels dans les paysages de garrigue, résistent bien par leur souche drageonnante leur permettant de repousser vigoureusement après un incendie. Certaines zones sont quant à elles tapissées de graminées, nouvelles espèces recolonisant les terres brûlées par l'élimination des plantes concurrentes.

Quelques chênes verts et arbousiers, admirablement résistants, eux aussi, repartent de leur base. Les pins par contre, sont bel et bien morts. Un feu modéré aurait favorisé l'éclatement des pignes et la dispersion de leurs graines. Trop intense, cet incendie a tout simplement détruit les résineux. Les clématites flammula ont repoussé et sont en fleurs, tout comme quelques timides chèvrefeuilles. De jeunes cistes cotonneux ont germé : ce sont des plantes pyrophiles, c'est-à-dire que le passage du feu favorise la germination de leurs graines. La Salsepareille renait, quelques euphorbes et des filaires tentent une timide apparition.

Certains pensent qu'il faudra de 20 à 30 ans pour retrouver un couvert végétal à peu près semblable. Du côté de l'O.N.F., on table sur 4 fois plus de temps...

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De nombreux chênes Kermès repoussent à quelques centimètres du sol un an après le feu de forêt. Quelques Cistes cotonneux ont germé et quelques arbres comme les chênes verts parviennent à repartir de leur base

S'il est une chose à retenir de ces mots, c'est bien sûr que la nature est fragile et qu'il importe de tout faire pour la protéger. Selon Copernicus, le programme européen d’observation de la Terre, les mois de juillet et août 2021 ont atteint les tristes et gigantesques records de 1.258,8 et 1.384,6 mégatonnes de CO2 propagées dans l'air à cause des incendies de forêt, renforçant ainsi l'impact de l'effet de serre sur le réchauffement climatique.

Soyons donc vigilants lors des étés à venir... Chaque promeneur doit respecter les consignes de sécurité : ne pas allumer de feu, ne pas fumer, ne pas laisser de verre. En période estivale, en raison des conditions météorologiques et des risques d’incendies, les massifs forestiers sont régulièrement soumis à des fermetures par arrêté préfectoral. Pensez à consulter le site des préfectures concernées avant d'organiser vos promenades.