Entendons-nous bien, je ne suis pas un féru d'anglicismes, mais force est de reconnaître que le brassage des langages peut aussi avoir du bon ! En effet, parler de "seedheads" [prononcez siiid-h-aide-z] est quand même bien plus élégant et poétique que de parler d'"infrutescences", voire -pire encore !- de "tiges sèches" pour les vivaces et les graminées, vous ne trouvez pas ? Aussi, je milite personnellement pour faire entrer ce joli mot dans le vocabulaire des jardiniers français.

Un massif de vivaces et de graminées en hiver, attrayant par les tiges sèches laissées sur pied et recouvertes de neige fraîche.

Popularisés par la mode des jardins dits "de prairie" et les créations du paysagiste Piet Oudolf, les "seedheads" désignent les fructifications et les structures hivernales des vivaces et de quelques arbustes, qui judicieusement associées entre elles, composent des tableaux naturalistes aux tons sépia, magnifiés par la lumière rasante, la brume ou le givre en automne et en hiver : chaque jour crée un effet différent du précédent, imprévisible, et c'est aussi ce qui fait la beauté du jardin à cette saison. Ingrid et Michael me disaient hier que leurs roses de Noël étaient déjà en fleurs chez eux... chez moi, pas très loin du septentrion, ce n'est pas encore le cas : qu'à cela ne tienne, je ne me lasse pas d'admirer les détails subtils des "seedheads" que j'ai épargnés lors du nettoyage d'automne au jardin.

Un superbe spécimen de Phlomis tuberosa, parfaitement fané, semble littéralement s'illuminer grâce au soleil de la fin d'après-midi en automne.

Inspiré par les livres de Piet Oudolf et Noel Kingsbury comme "Le Jardin de Vivaces et de Graminées" (éditions Bordas, épuisé), puis "Jardins d'Avenir" (éditions du Rouergue) et "Jardins d'Automne et d'Hiver" (titre original : "Seedheads", par Noel Kingsbury avec les photographies de Jo Whitworth, éditions du Rouergue), je me suis livré à de nombreux essais dans mon jardin aux portes de la Flandre maritime, à moins de 20km de la cote de la mer du Nord, avec plus ou moins de succès... En effet, la pluie et surtout le vent mettent à rude épreuve la stabilité des tiges dont la vie s'est retirée, quand mon sol, moins sableux et plus riche que celui des jardins hollandais, les rend aussi moins résistantes. Avec le recul, seule une poignée de variétés de vivaces arrivent à maintenir leur effet décoratif dans mon jardin pendant tout l'hiver, et c'est surtout en novembre et en décembre que le beauté des "seedheads" est à son comble. En voici une galerie de portraits.

J'aime tout particulièrement les seedheads de l'Aster macrophyllus 'Twilight', évolutifs : les petits pompons fauves se désintègrent avec l'envolée des graines pour laisser la place à des réceptacles floraux aux reflets argentés. Avec ses 60cm de haut, il tient bien au vent.

L'un des champions toutes catégories : le Phlomis ! Celui-ci est le vrai Phlomis samia, aux inflorescences ramifiées, plus fines que celles du Phlomis russeliana, mais avec le même graphisme généré par sa floraison en verticilles régulièrement espacés sur la tige. Les seedheads des Phlomis font partie des plus graphiques et des plus solides qui soient.

On n'y pense pas assez, mais les fruits des Iris de Sibérie, brun sombre, sont assez jolis et très durables. C'est un bonus qui compense la fugacité de leur floraison en juin !

L'une de mes dernières découvertes, les inflorescences séchées de l'aconit d'automne semblent solides et durables, un autre avantage qu'ils ont sur les delphiniums !

Il n'y a pas que des "fruits secs" pour décorer le jardin d'automne, il y a aussi quelques fruits charnus comme les cynorrhodons arrondis du Rosier glauca, ou les fruits innombrables des pommiers d'ornement.

Les fruits de la cupidone (Catananche caerulea), en glomérules argentées, côtoient en été sa floraison bleu métallique en un ensemble original et harmonieux. Une fois la floraison passée, ils prolongent l'intérêt de la plante de quelques semaines avant de s'égailler au vent courant décembre.

Les grands sédums comme 'Matrona' sont inratables. Leur allure est impeccable toute l'année et leurs inflorescences accrochent particulièrement bien le givre en hiver.

Le sédum 'Herbstfreude' est tout simplement indispensable.

Bien sûr, comment ne pas parler des Miscanthus, ici la variété 'Malepartus' ? Leurs plumes aux reflets de diamant restent belles jusqu'à je sois obligé de les rabattre courant janvier pour faire place à la nouvelle végétation

Les fleurs fanées d'une grande pimprenelle asiatique, Sanguisorba hakusanensis, évoquent des chenilles qui partiraient à la conquête de l'air ! Aussi jolis soit-ils, ces seedheads sont de courte durée et perdurent tout au plus un mois et demi sur la plante, après quoi je la rabats.

Les inflorescences sèches des hortensias font partie des grands classiques du genre, elles ne perdent rien de leur rondeur et de leur opulence une fois fanées, et se seront parées de riches nuances de vert avant de virer au brun. Ici, c'est l'Hydrangea arborescens 'Annabelle' photographié à l'arboretum de Kalmthout en Belgique.

La digitale jaune, Digitalis lutea, fleurit en épis jaune pâle au mois de juillet. C'est une vraie vivace qui vit 5 à 10 ans, elle est facile à marier et se plait partout sauf en terrain acide. Offerte il y a longtemps par une amie jardinière, c'est très vite devenu l'une de mes plantes fétiches au jardin, en particulier pour la qualité de ses "seedheads".

Les épis de la Digitale lutea sont, et de loin, les plus solides de tous. Ils restent bien droits du mois d'août jusqu'au mois de mars. J'en glisse partout pour donner du corps et du dynamisme aux massifs en hiver.

L'herbe-aux-diamants, Calamagrostis brachytricha, est une excellente graminée d'automne et d'hiver, de bonne tenue, qui accroche particulièrement bien la lumière.

Les capsules des pavots sont décoratives à partir de début août, et perdurent aussi longtemps que le vent et la pluie, qui attaque la base de la tige, les épargnent. Il m'arrive parfois de les "renforcer" à l'aide d'un petit tuteur que je glisse dans leur tige creuse.

Et pour terminer... Devinerez-vous à quelle plante appartient cette inflorescence ?