Depuis toujours, votre moitié vous répète que vous avez le plus beau jardin du monde. Non seulement votre moitié, mais aussi votre famille, vos voisins et tous les amis que vous invitez en été pour un barbecue.

Sur les réseaux sociaux, les photos que vous postez recueillent une multitude de pouces dressés, de cœurs et de compliments enthousiastes de vos contacts, au point que vous commencez à croire que oui, vraiment, vous avez réussi à transformer ce qui n’était au départ qu’un carré de terre ingrate en un véritable jardin d’Eden.

Aussi cette année, par défi, par envie, par orgueil, pour une cause charitable, pour le fun, pour une fête ou toute autre raison qui vous est propre, après avoir réfléchi longuement à cette idée un peu folle, vous voilà prêt(e) à franchir le pas et à ouvrir votre jardin au public !

C’est là que la grande aventure commence, entre euphorie et stress. Parce que si on y pense bien, montrer son jardin à des inconnus, c’est un peu comme se balader en petite culotte sur les Champs-Élysées : il faut oser !

Pourquoi ouvrir son jardin ?

Un peu : par vanité.

Parce que tout simplement vous avez le plus beau jardin du monde, que vous avez envie de le montrer, de recevoir des compliments de jardiniers qui peuvent reconnaître votre mérite d’avoir, dans les conditions qui étaient les vôtres, créé un tel jardin. Cela fait du bien de voir son travail reconnu. L’orgueil est un péché mais la fierté est toujours légitime.

Beaucoup : pour vous motiver.

Ouvrir au public oblige à soigner une série de choses sur lesquelles on pourrait passer d’ordinaire : on enlève les feuilles fanées des vivaces, on désherbe avec grand soin, on taille les bordures au ciseau, en bref on met les petits plats dans les grands pour présenter son jardin sous le meilleur jour. Cette perspective vous fait sortir par tous les temps de votre moelleux canapé : hors de question de se laisser aller avec complaisance durant l’année quand l’échéance d’une ouverture se profile.

Passionnément : pour progresser.

Vous connaissez votre jardin par cœur, ses points forts, ses faiblesses. Vos visiteurs, eux, poseront sur lui un regard neuf, et parfois, ils seront à même de vous suggérer des idées de plantations ou d’aménagements auxquels vous n’aviez jamais songé. Critiques ou conseils vous permettent de vous remettre en question, d’apprendre et de progresser. De même, les visiteurs prennent des photos de votre jardin selon un angle qui peut ne pas vous être familier, vous amenant parfois à redécouvrir votre propre jardin. Un autre point de vue n’est jamais inutile quand il permet de s’améliorer.

A la folie : pour le partage.

Accueillir un jardinier est une expérience merveilleuse. Accueillir quelqu’un qui n’a pas (encore) de jardin l’est parfois encore plus. Parce que vous lui permettez ainsi de profiter d’un univers qui lui est inconnu, de quelque chose de beau, de se poser, d’avoir un contact avec la nature et de lui donner le goût – voir l’envie -, de jardiner à son tour. Partager avec d’autres (notamment moins favorisés car pour beaucoup avoir un lopin de terre à soi, voire même simplement un balcon est un immense privilège) ce que l’on a reçu soi-même est une forme de merci à la vie qu’il ne faut pas négliger. Et souvent, à la fin de la journée de visites, ce sont ces gens, eux qui n’ont jamais mis un ongle dans la terre, qui se montrent les plus enthousiastes, les plus reconnaissants. Croyez-moi, l’énergie qu’ils vous rendront parce que vous les avez reçus chez vous vaut mille fois toutes les heures que vous aurez passées à « fignoler » votre jardin avant de l’ouvrir.

Comment faire ?

Quelques démarches administratives préalables

Beaucoup de gens ouvrent leur jardin sans formalité aucune. Cependant, si vous ouvrez plusieurs jours par an, ou de manière régulière, je vous conseille de prévenir par courrier votre mairie afin d’obtenir une autorisation officielle. Dans la plupart des cas, celle-ci sera accordée moyennant la prise d’une assurance « événement » pour l’occasion (on ne sait jamais qui plongera la tête la première dans votre mare ou qui ira respirer de trop près un datura). Ces assurances ne coûtent que quelques dizaines d’euros et couvrent vos visiteurs, vos bénévoles et votre matériel.

Comment annoncer l’ouverture de votre jardin ?

  • Les réseaux sociaux, simples d’utilisation, gratuits, vous permettent de créer un « événement » auquel il suffit d’inviter tous vos amis. Vous y posterez une description de votre jardin, ce que vous y présenterez si une animation spéciale est prévue (visite guidée, conférence, …), les heures d’ouverture, l’adresse, le prix d’entrée éventuel, l’association ou l’œuvre au profit de laquelle vous ouvrez si c’est le cas, et bien sûr, quelques photos de votre jardin prises à la période à laquelle il pourra être visité (inutile de poster des photos de dahlias et d’asters si vous ouvrez en juin !). Quelques jours avant la date d’ouverture, Facebook adressera un rappel automatiquement à vos invités.
  • Les petits journaux locaux ou régionaux sont friands d’annonces d’activités et les publient très souvent gracieusement dans leurs agendas. Il vous suffit d’envoyer un communiqué de presse à leur rédaction, accompagné d’une très jolie photo, entre 6 et 8 semaines avant l’ouverture du jardin. Qui sait, vous aurez peut-être comme moi la surprise de voir débarquer le jour de l’événement un journaliste et la télévision locale, séduits par votre projet !
  • Les agendas virtuels se multiplient également sur le net, ils sont gratuits et référencent toutes les activités de votre région. Ils touchent également un maximum de monde et si votre présentation est bien ciblée, vous pourrez attirer les gens à la recherche d’une activité « nature », « jardin », « promenade », « conférence »…
  • Bien évidemment quelques affiches et papillons peuvent être placés et distribués auprès des commerçants locaux (bouchers, boulangers, libraires assurant la plus grande visibilité) ou de commerçants spécialisés (les pépinières, les fleuristes et les magasins bios touchant les gens susceptibles d’être les plus intéressés).

Pour le jour J, pensez à flécher le chemin. Surtout si comme moi vous habitez dans un petit village isolé au bout du monde ! Prévenez vos voisins et essayez d’envisager un parking (ou soudoyez vos voisins à coup de rosé pour qu’ils soient tolérants vis-à-vis du parking…).

Droit d’entrée ou non ?

Souvent les jardins ouvrent au profit d’œuvres caritatives ou d’associations et le droit d’entrée leur est reversé. Si vous êtes lancés dans l’aventure en loup solitaire, vous avez le choix entre déposer une tirelire à l’entrée de votre jardin à la discrétion de vos visiteurs, ou demander une petite participation (symbolique, d’un 1 ou 2 euros par adulte). De toute manière, vous ne serez jamais riche en ouvrant votre jardin (Tout au plus pourrez-vous acheter à la fin du week-end quelques litres de terreau !).

Un petit plan ?

Si la visite est libre, si votre jardin est vaste, pourquoi ne pas prévoir un petit plan ? Quelques mots sur l’association au profit de laquelle vous ouvrez (si c’est le cas), sur la création du jardin, sur les plantes utilisées, ou une description des massifs à d’autres saisons peuvent être également appréciés de vos visiteurs. Si vous êtes littéraire, ou si vous avez un message à faire passer, là aussi osez !

Quelques conseils et idées pour le jour J

Respirer et sourire !

Et voilà, le grand jour est arrivé ! On fait quoi maintenant ? Des inconnus marchent d’un pas décidé dans votre rue. Les voici au seuil de votre porte. Ils sont tous venus ! Au secours ! Que faire ? Tout d’abord sourire ! Et pour le reste c’est la magie du jardin qui va opérer ! Pour ma part, je reste toujours à l’entrée du jardin pour accueillir chacun des visiteurs. Je les laisse ensuite découvrir le jardin à leur aise, flâner, s’y poser. Certains font le tour du jardin en dix minutes, d’autres s’asseyent le long d’une bordure et restent des heures. Je me tiens à la disposition de tous s’ils ont des questions à propos d’une plante ou désirent un conseil. Quelques jardiniers ambitieux se lancent dans les visites guidées, d’autres proposent une conférence sur les roses, un cours de taille… Selon votre temps et vos talents, n’hésitez pas !

La conférence de Francis Peeters sur la couleur lors des dernières portes ouvertes

Un p’tit souvenir Messieurs Dames ?

Les visiteurs adorent repartir avec un souvenir de votre jardin : un rapide coup de bêche ou de sécateur et ils auront une plantule ou une bouture. Bien sûr, cette option n’est plus envisageable quand les visites se font nombreuses au risque de dégarnir vos bordures. Mais vous pouvez préparer à l’avance des petits pots de plantes, semis, divisions, que vous pourrez offrir à vos visiteurs (ou vendre à petit prix). Pour ma part, je confectionne chaque année, en fonction des récoltes, des sachets de graines de pavots, de tournesols géants, d’ancolies, que j’offre à tous les visiteurs. Même si ces plantes ne sont pas rares, c’est une attention qui touche beaucoup.

Garden party ou tea-time ?

Devez-vous prévoir à boire ou à manger ? Certains jardiniers (comme moi, je l’avoue) font de leurs portes ouvertes une véritable fête où il est possible de prendre un verre voire de se restaurer. Il est vrai que boire un verre au soleil dans un magnifique jardin en compagnie d’autres personnes aimant les plantes est un moment privilégié plébiscité par de nombreux visiteurs. Si vous attendez une dizaine de personnes, pourquoi ne pas leur offrir une limonade ou un sirop de fleurs de sureau que vous aurez préparés vous-même ? Et on se bouscule vraiment à la barrière, un petit bar à prix coûtant peut être prévu. Attention cependant, sachez que vous n’aurez pas le temps de vous consacrez à cela : vos visiteurs viendront discuter avec vous et vous n’aurez pas le temps de les servir. Mais si vous avez des amis en or et des bénévoles susceptibles de vous aider, lancez-vous : disposez quelques tables garnies d’une jolie nappe fleurie dans votre jardin et proposez de la soupe, de la tarte maison, des quiches, du café, des pâtisseries, … C’est un surcroît d’organisation mais au final quelle convivialité !

 

Une table, une jolie nappe, quelques fleurs et le tour est joué

Les bénévoles : la clé du succès !

Que craindre ?

Pas grand chose : en 10 ans d’ouverture, on ne m’a jamais rien volé, ni abîmé quoi que ce soit. Les enfants ont toujours été sagement tenus en laisse et les chiens sont restés sous surveillance (enfin, un truc du genre !). Les gens sont respectueux et gentils quand ils sont accueillis dans les jardins : ils ne viennent pas acheter un pot de pâte à tartiner en soldes, mais découvrir un lieu magique et harmonieux. Bien sûr, si l’affluence est au rendez-vous, votre pelouse pourra être quelque peu piétinée (elle s’en remet généralement en une semaine), et s’il pleut, cela peut poser problème momentanément (mais l’herbe repousse toujours !). La seule chose que vous risquez vraiment est l’addiction. Ouvrir son jardin est une drogue : il y a dix ans que j’ai commencé à le faire « à titre exceptionnel », et dix ans donc, que je recommence (mais chût, je ne l’ai pas encore dit à mon mari…).

Le jardin, prêt pour l'arrivée des premiers visiteurs...

Après : parfois la pelouse trinque, c'est provisoire...

Faites-vous plaisir !

Mettez à la disposition des visiteurs un livre d’or ! Quand les visites seront terminées, quand les beaux jours seront derrière vous et que vous serez cloitré(e) dans votre maison en attendant que l’hiver se termine, vous pourrez relire dans ce livre, tous les messages de remerciement, d’encouragement et de conseils de vos visiteurs, et ces souvenirs de vos portes ouvertes vous réchaufferont avec bonheur (et vous pousseront à recommencer…).

Mais surtout, n’oubliez à aucun moment qu’ouvrir son jardin n’est pas un concours : ouvrir son jardin, c’est partager son cœur.

Alors bienvenue, et suivez-moi, vous n’avez qu’à pousser la barrière…

Entrez, c’est tout vert !