Je découvre un arrêté ministériel, publié le 4 septembre 2020 au journal officiel relatif à l'information préalable devant être délivrée aux acquéreurs de végétaux susceptibles de porter atteinte à la santé humaine.

En effet, à compter de juillet 2021, nous (et tous les pépiniéristes et jardineries) seront tenus, sur les fiches produit, d'expliciter les dangers potentiels d'une centaine de variétés végétales, parmi lesquelles les quelques plantes qui, ingérées en quantité importante, peuvent être dangereuses pour la santé des hommes et des animaux, comme les fameux aconits, colchiques ou encore ciguë.

plantes toxiques : aconit, colchique et cigue

Plantes toxiques : aconit, colchique et ciguë

Pourquoi pas ? Il arrive, très rarement, des accidents avec ce type de plantes. La plus dangereuse de toutes, l'aconit, qui était le poison préféré des Borgia dit-on, causerait de l'ordre d'un décès par an en Europe. Tout pépiniériste digne de ce nom mentionne d'ailleurs ce risque sur la fiche produit, pour éviter de planter des aconits à portée d'un très jeune enfant qui aurait tendance à arracher et goûter tout ce qu'il trouve.

Mais la liste ne s'arrête pas là ! On y trouve également :

  • les Philodendron et autres oreilles d'éléphant (Colocasia, Alocasia), euphorbes, Spatyphyllum... "pouvant entraîner des réactions cutanéo-muqueuses"
  • l'angélique, la ache des montagnes, pour cause de risque de "phytophotodermatose"
  • les bouleaux, armoises, aulnes, charmes, noisetiers, fétuques, frênes, oliviers... "pouvant entraîner une allergie respiratoire par le pollen".

Alors ayant lu cela, je me dis : cette liste est-elle complète ?

Non, clairement.

Parlons des pollens. Hormis l'étrangeté de ne pas voir dans la liste, par exemple les châtaigniers, gros pourvoyeurs d'allergies, il est absolument clair que la moitié au moins des variétés d'arbres produisent un pollen susceptible de créer des allergies pour un solide asthmatique. Donc par précaution, il conviendrait de mentionner le risque à tout imprudent qui voudrait faire l'acquisition d'un arbre.

Le législateur a oublié le cas des épineux ! Chacun sait à quel point un rosier vigoureux, un berbéris, sans parler des agaves et des yuccas avec leurs redoutables épines acérées, peuvent faire très mal. Techniquement, il est possible de se crever un œil avec un rosier.

jardiner est dangereux

Et, personnellement, j'ai déjà crevé un pneu de voiture avec une branche de forsythia, qui n'a même pas d'épines... Espérons qu'une prochaine version de ce texte réparera ce grave oubli !

Ne parlons pas des baies dont les 3/4 d'entre elles au moins, ingérées à haute dose, sont toxiques ! Or, quoi de plus attirant pour un charmant bambin que ces jolis fruits rouges, bleus ou noirs. Il me semble urgent de légiférer sur le sujet.

Élargissons le débat. Il n'y a aucune mention du danger de la terre végétale. Pourtant chacun sait qu'ingérer de la terre est dangereux. Au-delà de quelques poignées, il existe un vrai risque d'intoxication. Il devrait être obligatoire de mentionner ce danger grave sur tout sac de terreau.
Mais réfléchissons au-delà : en y pensant bien, il conviendrait de mentionner sur toute parcelle de terre nue que l'ingestion est dangereuse. Sans oublier, pour les analphabètes, un logo dissuasif, comme une tête de mort par exemple.

On pourrait ainsi continuer à l'infini ! Cela me semble un peu absurde, pas vous ?

Pourquoi pointer et mettre en avant un risque absolument marginal d'un point de vue de santé public, au risque de décourager les futurs jardiniers, effrayés de cet univers dangereux, quand tout le monde sait que jardiner est une des activités les plus saines, et les meilleures pour la santé, aussi bien physique que mentale.

Souvenez-vous : Le jardinage, une thérapie anti-stress efficace ou Mycobacterium vaccae, le secret du moral des jardiniers.

Jusqu'où irons-nous avec le principe de précaution ? Ne faudrait-il pas, un jour, mettre un coup d'arrêt à cette forme de dévoiement que représente, à mes yeux, le refus de tout risque et l'incertitude ?

Il y a quelque chose d'une forme de décadence dans cette obsession du "signalement", de  l'"avertissement", qui se développe de jour en jour. Dieu sait s'il existe de bons sujets, qui méritent l'intervention du législateur, et de chacun d'entre nous : lutter contre le réchauffement climatique, pousser le bio, limiter les pesticides, inciter à manger sain, à bouger, pour n'en citer que quelques-uns...

Je ne suis pas certain qu'alerter les jardiniers sur le danger potentiel d'un noisetier ou d'une fétuque méritent l'attention du législateur.