Janvier est un des mois les plus horribles de l'année. Juste parce que le soleil nous gratifie de quelques minutes de clarté supplémentaires chaque soir, je crois toujours que le printemps est enfin à nos portes. Or, ce n'est que mirage et publicité mensongère !

En réalité, janvier est le mois des tempêtes, de la neige, des pluies diluviennes, du blizzard, et quoi que l'on fasse (même en dansant sur sa tête et en priant Saint Fiacre), à moins d'habiter au sud de la Loire il est impossible de jardiner. Alors, je ne sais pas vous, mais moi je m'ennuie comme un rat mort.

Evidemment, pendant ce temps, les rats, eux, ne meurent pas, ce qui m'oblige, une fois le printemps venu, à enterrer tous mes nouveaux arbres et arbustes dans du grillage, afin de leur éviter de se faire bouffer par la racine comme les pissenlits. La peste soit de ces mulots, rats taupiers, rattes, campagnols - peu importe le nom qu'on leur donne - tant ils font de ravages au jardin !

les campagnols sont en plein forme

Ils tiennent une forme olympique : essayez de planter sereinement de nouvelles merveilles dans un tel sol !

Alors en attendant de reprendre la chasse aux campagnols, pour ne pas périr d'ennui et de désespoir, en janvier je compose toujours un album rassemblant les meilleurs clichés de mon jardin l'année précédente. Le plus compliqué est de sélectionner deux ou trois cents photos, alors que j’en ai au bas mot dans mon ordinateur vingt fois plus …

Ces longues heures de tri m’offrent l’occasion de regarder mon jardin avec recul : sur ces vues, alors qu’il n’y a plus autour de moi le festival des couleurs, des odeurs et des sons de la nature en live pour me distraire, je peux vraiment voir les vivaces un peu échevelées, les trous de floraisons, les couleurs qui jurent ensemble… J’observe alors au calme chaque scène, j’analyse mes erreurs et je note ce qui devrait être modifié.

photographier le jardin

Ici, l'accord des jaunes de ce dahlia et de ce rudbeckia triloba est loin d'être parfait : à retravailler !

Si vous êtes comme moi à planter tout au coup de cœur, sans trop réfléchir, là où il reste un peu de place, les photos sont aussi un excellent moyen pour mettre à jour vos croquis de massifs ou vos listes de plantes (deux choses dont – je l’avoue – je suis personnellement incapable !).

Enfin, il arrive qu’un cliché soit simplement magnifique, parce que la lumière est belle, parce que le cadrage est bon, ou parce que – ô miracle – l’association de plantes que j’ai créée était   juste parfaite, tous les heureux hasards ayant abouti à l’harmonie.

photographier le jardin

Mais parfois, le hasard, fait vraiment bien les choses... Echinacées pourpres, Crocosmia, Aster et Véroniques de Virginie

Alors en passant l’après-midi au milieu des floraisons et des saisons, au bout d’heures de tri, c'est l'émerveillement. Et j’en oublie presque l'hiver.

Car oui, tous ces clichés me rappellent que bientôt, à la place des annuelles mortes, des vivaces séchées, des graminées couchées et de cette pelouse jaunie, dès mars, toute la palette des verts va revenir. Qu'en avril et en mai, un peintre invisible secouera ses pinceaux pour moucheter les verts d'un nombre infini de gouttes de couleurs : blanc, jaune, mauve, rouge, violet... Qu'en juin, le jardin croulera sous les roses, et que dès juillet, les dahlias débuteront un feu d'artifice qui ne s'éteindra qu'en novembre, avec les derniers asters et les chrysanthèmes.

... se souvenir que, oui, l'incroyable resurgit chaque année !

Prendre en photo mon jardin au jour le jour et constituer un tel album est un merveilleux souvenir, témoin de l'évolution année après année des plantations ; il permet de faire entrer mon jardin dans la maison de repos où se trouve ma  grand-mère ; il me permet de montrer à mes visiteurs comment est mon paradis à d'autres  saisons; il est un bon aide-mémoire pour les aménagements à venir et il est une récompense, lorsque je peux l'admirer, enfin assise dans mon fauteuil, après avoir passé tant de temps à genoux à entretenir les massifs.

Photos du jardin réunies en album

Et surtout, en janvier, il est une source d'espoir immense.

Il me rappelle qu'après la pluie vient le beau temps.

Et qu'après l'hiver, c'est le printemps !