Une amie parisienne, par ailleurs célèbre chroniqueuse jardin (et malgré tout excellente jardinière, ce qui fait deux importantes différences entre nous), me disait récemment : « ça m’énerve, je ne réussis pas à garder la lavande… ».

Ce fut, il faut le dire, un immense soulagement pour moi : je n’étais pas seul à porter ce secret honteux : rater, de manière répétée, une de plantes réputées les plus faciles au jardin, la lavande.

Voilà qui m’a décidé à faire un coming out public, et à partager avec les jardiniers avides de sensations nouvelles ce savoir-faire spécifique : comment rater une lavande en 5 leçons !

Lavande

Bien sûr, tout le monde n’est pas sur un pied d’égalité : ceux qui ont, comme moi, la chance d’habiter en climat froid, pluvieux avec une terre lourde auront beaucoup plus de facilité à bien rater une lavande que ceux qui ont le malheur d’habiter au soleil de Provence.

Mais en suivant attentivement ces quelques conseils simples et pratiques, accessibles à tous, je suis certain que beaucoup parviendront, eux aussi, à tuer leurs lavandes.

Leçon n° 1 : pour tuer la lavande, étouffez-la !

La lavande vient du Sud, elle aime les terres du Sud, caillouteuses et drainantes. Elle déteste les sols lourds, qui font pourrir ses racines en hiver, raison pour laquelle les bons jardiniers privilégient une plantation au printemps plutôt qu’à l’automne.

Elle peut se planter en terrain lourd, mais nécessite alors un travail de drainage : grand trou de plantation, d’au moins deux fois la taille du pot, ajout de gravillons ou de sables de rivière, à la rigueur de tourbe.

Donc, pour rater votre lavande, plantez-la à la mauvaise saison (entre novembre et février, par exemple) dans une lourde glaise argileuse, que vous n’aurez pas allégée ni décompactée, idéalement dans un trou de plantation trop petit (au besoin, donnez quelques coups de talon rageur pour que ça rentre) ;

C’est une méthode très fiable pour rater la lavande, que j’ai beaucoup pratiqué dans nos terres à patate du Nord.

Une variante assez perverse de cette méthode consiste à mettre vos lavandes dans la situation de gladiateurs des jeux du cirque : plantez des lavandes très serrées, disons à 15 cm l’une de l’autre : elles se feront mutuellement de l’ombre, et, à force de se battre, s’affaibliront l’une l’autre, et une partie (au moins) de vos pieds finiront par mourir, les autres noirciront, ce qui est du plus bel effet.

Leçon n° 2 : pour rater la lavande, noyez-la !

La lavande n’apprécie pas les excès répétés d’arrosage : c’est une plante de climat méditerranéen.

Pour tuer la lavande, arrosez abondamment, non seulement après plantation (ce qu’elle aime bien, comme toutes les plantes), mais aussi tout au long de sa (courte) vie : elle disparaîtra dès le premier hiver. Pour accélérer la mise à mort, formez une cuvette d’arrosage qui maintiendra la motte humide pendant la morne saison, succès garanti !

Leçon n° 3 : pour rater la lavande, mettez là à l’ombre

La lavande aime le soleil… À l’ombre, elle s’étiole, allonge tristement ses branches à la recherche de la lumière, ne fleurit pas, ou peu, et meurt rapidement.

En plantant à l’ombre (une vraie ombre marquée, elle accepte assez bien de fleurir en ombre légère) vous arriverez sensiblement au même résultat qu’avec la leçon précédente. Vous pouvez d’ailleurs combiner les leçons 1, 2 et 3 pour un meilleur résultat.

Leçon n° 4 : pour rater la lavande, gavez-la !

Habituée des terres pauvres, la lavande se comporte fort mal en milieu riche : elle mange trop, grossit, grossit… Et très vite s’écroule lamentablement, laissant un affreux trou noir au centre.

Cette méthode moins connue est particulièrement recommandée aux âmes sensibles, elle permet de rater la lavande (et plein d’autres choses) en toute bonne conscience, par excès de soin : plantez-la dans un terreau riche, généreusement amendé avec du compost, complété par un surdosage régulier d’engrais, chimique de préférence : vous ne la tuerez peut-être pas, mais lui donnerez à coup sûr un aspect assez monstrueux de Tchernobyl végétal.

En général, il suffit de mal planter pour rater. Néanmoins, par sécurité, dans le cas où votre lavande fait preuve de résistance, voici un conseil d’entretien :

Leçon n° 5 : pour rater la lavande, taillez-la régulièrement mode « para »

Comme la quasi-totalité des plantes à feuillage persistant, la lavande n’aime pas une taille trop forte, ni trop courte.

Bien sûr, on peut sans dommage couper une fois par an les hampes de fleurs sèches (et en faire de jolis bouquets parfumés), ou quelques jeunes rameaux trop exubérants. Mais il ne faut pas tailler le bois : ça ne repousse jamais sur le vieux bois !

lavande séchée

Donc pour rater la lavande, taillez-la sauvagement et le plus court possible : à minima vous l’enlaidirez considérablement et l’empêcherez de fleurir correctement au pire vous la tuerez. Il est à noter que même à Saint Rémy de Provence cette méthode fonctionne bien.

Petit bonus pour ceux qui auront eu le courage de tout lire, avec une méthode de paresseux que je conseille particulièrement pour sa simplicité : on peut aussi rater la lavande en pot. Il suffit pour cela de planter dans un petit pot (disons moins de 20 cm), et de ne pas l’arroser. Certes, la lavande n’aime pas les excès d’arrosage, mais ce n’est pas un cactus : elle a besoin d’eau, qu’elle va chercher grâce à un système racinaire profond. Pour cette raison, elle s’installe mal en petit pot (et déteste par-dessus tout être déplacée).

Vous pouvez donc la rater en la gardant tout simplement dans le minuscule godet où elle se trouvait lorsque vous l’avez achetée, en vous contentant d’oublier les arrosages !

Enfin et pour consoler les maladroits qui, même en suivant ces conseils avisés, gardent une belle lavande parfumée au jardin : même dans de bonnes conditions de culture, soleil, terrain drainant, arrosage modéré, la lavande ne vieillit pas très bien. Elle dépasse rarement les 10 ans, notamment dans nos jardins du Nord, et généralement devient assez moche après 5 ans : vous aurez donc probablement l’occasion de la voir mourir un jour !

Découvrez tout ce qu'il faut savoir sur la lavande pour bien choisir, réussir sa culture, la bouturer ou encore la faire sécher.